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Oiseaux : tromper les prédateurs par des parades visuelles


Ce gravelot kildir simuleune aile brisée pour distraireun prédateur, mais si celui-ciest intelligent, il se rendracompte que cela supposeun nid de jeunes oiseauxà proximité. - © Shutterstock

En plus des signaux acoustiques destinés au prédateur, de nombreux oiseaux jouent de parades visuelles remarquables lorsqu’ils détectent une menace. Les plus connues de ces manifestations sont elles aussi clairement destinées au prédateur, qu’elles semblent viser à attirer, distraire ou effrayer

Distraction
Les premières mises en scène antiprédateurs qui viennent à l’esprit sont peut-être les simulations d’ailes brisées. L’oiseau feint d’être blessé en courant sur le solde manière maladroite et exagérée, souvent les ailes déployées et inclinées sur le côté. Après avoir attiré leur attention, le parent oiseau tente alors d’éloigner les prédateurs des œufs ou des jeunes vulnérables. Ces simulations sont pratiquées par de nombreuses espèces, en particulier les oiseaux de rivage, mais aussi les tétras, les engoulevents et les passereaux.

Bien que ces mises en scène soient très répandues, elles ne sont pas toujours très efficaces. Si la sélection a fortement agi sur l’émetteur (le parent oiseau) en vue de tromper le prédateur, cette même sélection peut également agir fortement sur le récepteur (le prédateur) pour lui éviter d’être trompé. En observant les parades de diversion des tétras contre les renards, on a pu constater que ces derniers les ignorent parfois pour se mettre à chercher des oisillons à proximité immédiate. Le renard comprend que la parade de diversion ne livre aucune information sur la présence d’un adulte blessé, mais qu’elle trahit bien plus précisément la présence d’oisillons vulnérables à proximité. Tout comme les cris de détresse, les parades de diversion ne fonctionnent qu’avec les prédateurs les plus naïfs.

 

Tromperie
Pour répondre aux menaces des prédateurs, de nombreux oiseaux se livrent à une transformation frappante : ils hérissent leurs plumes, déploient leurs ailes et sifflent ou claquent du bec. Ce type de communication est généralement assimilé à du bluff : l’oiseau se fait alors passer pour beaucoup plus grand qu’il n’est, jusqu’à parfois dissuader un prédateur. Notons que ce type de démonstration menaçante est courant chez les grands oiseaux comme les chouettes, qui disposent d’un véritable arsenal pour se défendre et soutenir un bluff. Ces manifestations peuvent même viser à effrayer, en particulier chez les oiseaux comme le caurale soleil, qui déploie ses ailes pour révéler des plumes colorées, dans lesquelles on voit des ocelles.

Chez certains oiseaux plus petits, la parade menaçante semble basée sur le mimétisme. Les pics d’Eurasie et d’Afrique, les torcols, sont connus pour les torsions de leur cou. Lorsqu’ils sont dérangés dans leur nid ou capturés par un ornithologue, ils balancent leur tête et sifflent à la manière d’un serpent. Le prédateur qui inspecterait une des cavités sombres d’un arbre dans lesquelles ces oiseaux nichent pourrait facilement croire avoir rencontré un serpent et se retirer. D’autres oiseaux nichant dans des cavités, comme les mésanges, se livrent à des imitations similaires, faites de mouvements ondulants, de sifflements, et même de coups de bec et d’ailes sur les parois. Même pour un chercheur qui sait pertinemment que ces sons sont produits par une mésange et non un serpent, l’imitation peut être assez surprenante et intimidante.

 

Parades dissuasives de poursuite
Les postures menaçantes décrites ci-dessus s’appuient sur la surprise et la tromperie. C’est le contraire d’une autre catégorie de parades antiprédateurs, souvent appelée parade dissuasive pour les prédateurs ou les poursuivants, qui repose, elle, sur les informations fiables qu’elle transmet. Ces parades dissuasives de poursuites ont un peu plus mystérieuses que les parades de diversion ou de menace, car le fait qu’elles soient destinées à un prédateur n’est pas toujours très clair. Il faut des observations minutieuses et répétées pour confirmer que la parade a lieu principalement en présence de prédateurs. Et même lorsque c’est confirmé, il faut s’assurer que le signal n’est pas simplement destiné à informer des congénères de la présence du prédateur.

Les motmots sont bien connus pour leurs longues queues en forme de raquette. Ces queues s’assimilent à une forme de signal ornemental et peuvent être agitées vivement comme des balanciers. Comme elles sont présentes chez les deux sexes, on peut supposer qu’elles ne servent pas à attirer la femelle, du moins pas selon le schéma typique. Au fil des ans, de nombreux observateurs ont remarqué que les motmots maintiennent généralement leur queue immobile et qu’ils commencent à l’agiter à l’approche d’un humain. D’autres observations plus fines ont montré que ce mouvement n’intervenait qu’en présence de prédateurs, indépendamment de la présence d’autres motmots, tels que des partenaires. Ce qui suggère que ce signal est bien destiné au prédateur. On pense que les signaux dissuasifs de poursuite fonctionnent principalement en informant le prédateur qu’il a été repéré, que la proie potentielle est en alerte, et donc que le facteur surprise n’existe pas. Ce signal pourrait être aussi un signal honnête de qualité. À l’instar des parades sexuelles qui peuvent indiquer à une femelle la forme physique du mâle, ce signal peut informer le prédateur que sa proie potentielle est en bonne condition et qu’elle a beaucoup de chances de s’échapper.

On pense qu’une poignée d’autres espèces d’oiseaux ont recours à des parades dissuasives de poursuite. La plupart ont pour point commun de reposer sur l’agitation de la queue ou la couleur vive des ailes, de la crête ou de la queue.

Cet extrait est issu de l'ouvrage :

L'art de communiquer chez les oiseaux
L'art de communiquer chez les oiseaux

Chants, cris, plumes et danses

Les oiseaux sont rarement discrets : ils se manifestent, se montrent, se font entendre de leurs congénères ou des autres espèces, nous y compris. Mais que comprenons-nous de ces échanges permanents ?
Un oiseau est une créature foncièrement sociale et la communication est essentielle à la façon dont il vit son existence. Décryptez cette communication et vous commencerez à comprendre ses désirs et ses motivations, ses peurs et sa perception des choses. Ne serait-ce que son chant, qui bien souvent nous ravit d’emblée, peut être une manière de se signaler comme de séduire, de décrire précisément un danger, voire de menacer. Pour certaines espèces, la communication s’appuie majoritairement sur des comportements innés transmis de génération en génération ; pour d’autres, elle s’apprend tout au long de la vie ; pour d’autres encore, c’est toute une tension qui se joue entre nature et culture, que les progrès des technologies génétiques nous permettent de comprendre jour après jour un peu mieux.
Cet ouvrage vous présente l’état des connaissances sur le sujet et toutes les stratégies mises en place par les spécialistes pour interpréter les échanges qui se jouent devant nous ou aux quatre coins du monde, avec à la clé un aperçu passionnant des nouvelles preuves de l’intelligence aviaire. Les oiseaux ne se contentent pas de crier et de chanter pour transmettre des informations : ils dansent, seuls ou en troupes organisées comme le ménure superbe, se pavanent, mendient, imitent le serpent comme le torcol, exhibent des attributs hypertrophiés, se lancent dans des concours de décoration comme les jardiniers satinés, forment des duos, qui sont autant d’éléments de langage.
Au sortir de l’exploration richement illustrée que vous propose ce livre, peut-être vous sentirez vous capable de parler un peu oiseau…
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