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Les mammifères marins face au froid polaire


Les cétacés mysticètes, comme ce couple femelle avec veau rorqual à bosse, effectuent chaque année une migration entre les eaux chaudes et tropicales en hiver et les eaux froides et polaires en été. Leur corps doit être adapté à des changements drastiques de température. - © Sylvain Mahuzier et ©Jean-Pierre Sylvestre

Animaux à sang chaud, les mammifères marins ont une température corporelle indépendante de celle de leur environnement, si celle-ci toutefois n’est pas trop extrême. Comment se protègent-ils du froid dans les régions polaires ?

Si les mammifères terrestres se protègent du froid, soit en s’isolant de l’air ambiant par une fourrure épaisse, soit en hibernant dans un endroit protégé des températures extrêmes (leur température corporelle s’abaisse alors pour atteindre environ celle du milieu ambiant), les mammifères marins vivent dans un milieu plus hostile et doivent faire face à un facteur de refroidissement non négligeable : le milieu liquide. En effet, l’eau est 25 fois plus conductrice de froid que l’air.

Pour se protéger du grand froid, les pinnipèdes présentent une peau velue. Ce pelage est généralement constitué de deux sortes de poils : les jarres (ou poils de garde), longs, rigides et résistants ; et les poils de bourre, généralement plus serrés, souvent ondulés. Ces poils jouent un rôle de protection thermique, surtout chez les otaries et les lions de mer dont le pannicule graisseux est de faible épaisseur. Les otariidés, du reste, ne plongent pas profondément. Chez les phocidés, les poils doivent intervenir beaucoup plus dans la protection mécanique de la peau que comme isolant thermique. Leur panicule graisseuse est beaucoup plus épaisse et leur fourrure moins dense. Ils plongent généralement plus profondément. Leurs poils croissent un certain temps, puis tombent et la plupart des pinnipèdes ont une mue chaque année.

Chez les cétacés, les poils primitifs ont quasiment disparu lors des 50 millions d’années d’évolution (seules subsistent encore quelques vibrisses au niveau de la tête chez certaines espèces qui n’ont aucun rôle dans la thermorégulation). Ces mammifères marins doivent combattre le grand froid et la déperdition de chaleur par d’autres moyens. Les baleines et les rorquals font face à une adaptation particulière : en effet, ces animaux effectuent des migrations, passant de régions aux eaux froides à d’autres aux eaux tempérées, voire même chaudes. Il est nécessaire que leur degré de tolérance thermique soit exceptionnel. Celui-ci varie, par exemple de 5 à 20 °C chez la baleine franche australe, de 0 à 25 °C chez le rorqual bleu, et de – 2 à + 30 °C chez le mégaptère. L’homéothermie des cétacés leur permet de conserver une température interne constante (35,1 °C chez le rorqual bleu, 36,3 °C chez le rorqual commun et le mégaptère) par rapport au milieu extérieur, dans la limite des capacités de régulation de leur organisme. C’est pourquoi, nous pouvons rencontrer les mysticètes dans les mers chaudes en hiver et froides en été. La couche de graisse est un isolant efficace. Cette couche est d’une épaisseur variable selon l’espèce et aussi selon l’endroit du corps : celle des mysticètes est beaucoup plus importante. L’épaisseur de la couche de graisse varie entre 5 et 35 cm chez un rorqual bleu mâle adulte alors qu’elle est de 14 à 40 cm chez la femelle. Cette graisse représente, par exemple, le quart du poids corporel du rorqual bleu et des autres rorquals et le tiers de celui du mégaptère et du cachalot. Chez les mysticètes, il existe un véritable cycle de cette couche de graisse isolante en fonction de la température de l’eau. Baleines et rorquals effectuent de longues migrations entre les eaux tempérées subtropicales ou tropicales où ils se reproduisent et les eaux froides antarctiques ou subantarctiques où ils s’engraissent. Le coût énergétique de la thermorégulation dans les eaux chaudes (en hiver) est inférieur à celui des eaux plus froides (en été). Ces cétacés vivent alors en hiver aux dépens des réserves de graisse emmagasinées dans leur lard, leur foie et leurs os. En outre, les aliments à haute teneur en lipides sont très calorigènes : c’est le cas de certains poissons pélagiques comme le maquereau ou encore le krill, contrairement aux céphalopodes.

Les dauphins ne vivent pas que dans les eaux tropicales ; certaines espèces commeces céphalorhynques de Commerson, sont adaptées aux eaux froides de l’océan Austral. - ©Sylvain Mahuzier et ©Jean-Pierre Sylvestre

La couche de graisse recouvre tout le corps, à l’exception des nageoires pectorales, dorsale et caudale. Cette graisse contient à la fois des cellules adipeuses et de nombreuses fibres de tissu conjonctif, disposées en couches entrecroisées. Ces fibres serviraient à emmagasiner, puis à restituer l’énergie mécanique des muscles permettant la natation et situés à la base de la queue. En même temps, ce lard possède un réseau capillaire où le système veineux, perdant de la chaleur, est recouvert par le système artériel, plus chaud. Le tout forme un contre-courant vasculaire et thermique qui participe au maintien d’un faible gradient thermique à travers la graisse et au niveau de l’interface muscle/lard. Les variations brutales de température interne ne peuvent donc se produire, d’où une économie énergétique pour la thermorégulation.

Si les cétacés sont si bien bâtis pour résister à la déperdition calorique, comment font-ils pour perdre de l’énergie lorsque la température interne augmente après un effort physique intense par exemple ?
Baleines et dauphins ne possèdent pas de glandes sudoripares : ils ne suent donc pas quand leur température interne augmente. Aussi ont-ils développé un autre système au niveau des extrémités de leur corps qui offre une surface d’échange thermique non négligeable (nageoires pectorale, caudale et aileron dorsal). Ces zones, comme nous venons de le voir, sont recouvertes de peu de graisse et leur riche vascularisation est capable, par vasodilatation, de dissiper également de la chaleur quand la température centrale augmente. Le système de thermorégulation est encore plus perfectionné au niveau des nageoires. Les artères qui apportent le sang aux capillaires sont entourées d’une gaine de veines ramifiées (plexus veineux) en « réseaux admirables » (rete mirabile). Dans le cas où ces mammifères marins chercheraient à se refroidir (par vascularisation), l’afflux sanguin dans les artères les dilate, écrasant le réseau des veines, ce qui dévie le sang vers d’autres veines normalement contractées, qui ramènent le sang refroidi directement à la circulation générale. S’ils cherchent à augmenter la température interne corporelle (vasoconstriction), le sang chaud des artères sert à réchauffer le sang qui s’est refroidi dans la peau et qui revient par les veines. Quand le sang repart vers le corps, il est presque à la température de celui-ci, ce qui limite considérablement les pertes calorifiques vers l’extérieur. C’est en quelque sorte le principe de l’échangeur de chaleur ou de fraîcheur à contre-flux. Les cétacés augmentent ou diminuent la circulation vers les nageoires en fonction de leurs besoins.

Cet extrait est issu de l'ouvrage :

Cap sur le grand continent blanc
Cap sur le grand continent blanc

Les voyageurs qui rêvent de fouler le sol du grand continent blanc embarqueront, pour la majorité d’entre eux, au sud de la Terre de Feu. Certains franchiront le fameux cap Horn avant de traverser le passage de Drake et d’atteindre enfin la péninsule Antarctique. D’autres feront escale aux Îles Malouines (Falkland), ou passeront quelques jours sur l’extraordinaire Île de Géorgie du Sud.
Mais assurément, tous seront impressionnés par la richesse de l’océan Austral et des terres qu’il baigne, par la diversité des espèces, inattendue dans cette région du monde, et par les merveilleuses adaptations que le vivant a développées au sein de cette nature hostile. La sagine, par exemple, s’agrippe à la roche grâce à ses coussinets : une stratégie de survie parfaitement efficace contre le vent ! Les espèces animales ne sont pas en reste avec les molécules antigel chez les poissons, les plongées extraordinaires des manchots ou encore les glandes à sel des albatros et des pétrels qui leur permettent de boire de l’eau douce en pleine
mer !
C’est ce fabuleux univers austral que le lecteur découvre au fil de ces pages, mais également l’évolution de l’Antarctique au cours des temps géologiques, le climat, l’océanographie…
Les auteurs soulignent enfin l’importance du traité sur l’Antarctique et de la règlementation liée à l’écotourisme pour cette région du monde ainsi que les problématiques liées à la pollution, au réchauffement global et aux espèces invasives…

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