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Idée fausse : La biomasse des insectes ne cesse de croître


L’effondrement de la biomasse des insectes dans les paysages agricoles fait régresser les oiseaux insectivores, comme le pie‑grièche écorcheur (ici, une femelle). - © Simun Ascic/Adobe Stock

Les insectes peuvent, à tort, donner l’impression d’être de plus en plus nombreux…

Pourtant, en 2017, une étude dans les réserves naturelles allemandes a défrayé la chronique en annonçant une chute de 76 % de la densité d’insectes volants au cours des 27 années précédentes, soit une baisse moyenne de 3 % par an. Un an plus tard, c’est dans les forêts tropicales de Porto Rico qu’était dévoilée une diminution de 90 % de la biomasse des arthropodes terrestres durant les quatre dernières décennies. Ces résultats alarmants ont été rapidement repris dans la presse internationale, qui a qualifié ce déclin sans précédent d’Apocalypse des insectes, d’Insectageddon, en prévoyant la disparition des insectes d’ici un siècle !

À la vague médiatique catastrophiste a succédé une querelle de chiffres et de méthodes entre spécialistes. Mais le constat demeure : les quelques suivis rigoureux et statistiques disponibles confirment que les effectifs d’insectes s’érodent. L’abondance des papillons a baissé de 80 % en un siècle aux Pays‑Bas, de 39 % depuis 1990 dans 16 pays européens, et les papillons monarques sont 86 % moins nombreux qu’il y a 30 ans en Californie. En France, depuis 1995, le taux de mortalité dans les colonies d’abeilles domestiques est passé de 5 à 40 %. En Grande‑Bretagne, les insectes pollinisateurs ont aujourd’hui totalement disparu dans un quart des localités où ils étaient abondants en 1980.Au niveau mondial, en compilant166 études portant sur 1 676 sites géographiques dans 41 pays, les chercheurs ont mesuré que l’abondance des insectes terrestres avait diminué de 10 % par décennie depuis1960, soit de 1 à 2 % par an.

D’ailleurs, en utilisant des « splatomètres», de petites grilles fixées sur le pare‑brise ou la plaque d’immatriculation qui mesurent le nombre d’impacts d’insectes écrasés, des enquêtes ont révélé une baisse de80 % des contacts de 1997 à 2017dans les zones rurales du Danemark, et un déclin de 50 % de 2004 à 2019dans le comté britannique du Kent. C’est le syndrome du pare‑brise propre ! La chute de biomasse des insectes a entraîné des effets en cascade dans la chaîne alimentaire : les populations d’oiseaux insectivores ont diminué de 13 % en Europe et de28 % au Danemark entre 1990 et 2015. Les insectes aquatiques semblent tirer leur épingle du jeu, et leur population aurait même augmenté de 1 % par an en moyenne depuis 1960 en Europe et en Amérique du Nord, à la faveur des récentes législations sur la qualité de l’eau. Signalons toutefois que30 % des espèces de libellules, dont les larves sont aquatiques, présentent un fort risque d’extinction en Europe…

La déesse précieuse(Nehalennia speciosa) fait partie des libellules menacées d’extinction par la régression des zones tourbeuses en France. - © Vitaly Ilyasov/Adobe Stock

Non seulement l’abondance et la biomasse des insectes périclitent, mais l’aire de répartition de la plupart des espèces se rétracte et la diversité régresse. En Allemagne, sur quelque 300 sites de forêt ou de prairie suivis de 2008 à2017, le nombre d’espèces d’insectes a chuté d’un tiers. En conséquence, les fonctions écologiques et les interactions biotiques s’étiolent, avec des incidences imprévisibles dans les réseaux écologiques. Chez les papillons de jour danois, durant le dernier siècle écoulé, des espèces généralistes plus tolérantes aux changements ont investi les niches écologiques laissées vacantes par l’extinction des spécialistes.

Sur le banc des accusés figure une large palette de facteurs délétères, parmi lesquels l’utilisation d’insecticides et autres pesticides, ainsi que la pollution chimique des eaux et des sols, la simplification des paysages ruraux, la conversion des prairies naturelles et des zones humides en monocultures, la déforestation, la destruction des habitats par l’urbanisation, l’invasion par des espèces exogènes (notamment de nouveaux agents pathogènes), la pollution lumineuse, le changement climatique, ses vagues de chaleur et ses sécheresses.

Il existe même des cas de coextinction, comme cette puce (Xenopsylla nesiotes) du rat de l’île Christmas, dont l’hôte a disparu après l’invasion du rat noir ! L’importance relative des facteurs et leurs interactions sont encore mal connues. Sur les abeilles par exemple, des effets synergiques ont été observés entre les insecticides néonicotinoïdes, les plus vendus au monde, et des parasites. Quand ils opèrent simultanément, les atteintes ne s’additionnent pas mais se multiplient !

Cet extrait est issu de l'ouvrage :

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