La consommation de céréales a évolué au cours du temps. Si elle a explosé à l’issue de la période révolutionnaire, elle a ensuite doucement décliné.

À l’issue de la période révolutionnaire, tous les Français — y compris ceuxdes classes populaires — commencent à être un peu mieux nourris, au moinssur le plan quantitatif. À la fin du xviiie siècle, la ration moyenne par personneet par jour ne dépasse pas 1 700 calories (d’après les calculs de l’historienJean-Claude Toutain). En 1830-1840, elle atteint 2 000 calories et elle bondità plus de 3 000 calories dans les dernières années du siècle (3 200 caloriessur la période 1890-1914).

Si la quantité totale de nourriture dont dispose chaque Français augmentede façon continue, cet accroissement est cependant très variable selon lesproduits. Ce sont les aliments de base — en premier lieu les céréales, maisaussi les légumes secs, les tubercules (pommes de terre), les légumes et lesfruits — qui enregistrent la croissance la plus forte. La consommation moyennede céréales per capita atteint un pic vers 1890, puis commence à décliner.Dans le même temps, le froment prend définitivement le pas sur l’orge, leseigle et le sarrasin : dès 1830, il représente la moitié des céréales consommées.Les produits animaux — viande, oeufs, laitages, poisson — sont eux aussidavantage mangés, mais dans des proportions bien moindres : ces produits« nobles » demeurent coûteux.

Cette évolution positive de l’alimentation des Français s’est réalisée endépit d’une démographie soutenue. Elle a été rendue possible par l’accroissementspectaculaire de la productivité de la terre et du travail des paysans. En1900, sur la même surface, ils sont parvenus à produire deux fois plus decéréales (deux fois plus de lait et trois fois plus de viande) que cent ansauparavant. Sur la même période, la population a elle aussi augmenté, maisseulement de 40 %. Ces gains de productivité ont été permis par d’importantsprogrès techniques. Initiée au XVIIIe siècle, la suppression des jachères s’estgénéralisée à l’ensemble du territoire. À leur place, on a semé des plantesfourragères qui, non seulement n’épuisent pas le sol, mais l’enrichissent enazote ou le nettoient des adventices en les étouffant. Ces fourrages nourrissentun bétail qui, devenant plus nombreux, apporte davantage dedéjections fertilisantes, lesquelles permettent d’accroître les rendements descéréales. Un cercle vertueux est enclenché, qui s’accélère à partir desannées 1850 avec l’emploi — sur les grandes exploitations — des machinesagricoles (charrues en acier, semoirs, faucheuses à traction animale, batteusesmues par la vapeur), des engrais chimiques et des amendements, et l’utilisationde nouvelles variétés et races sélectionnées pour leur productivité.

À partir des années 1880-1890, le niveau de vie des Français continuantà augmenter, une nouvelle rupture s’opère. Après avoir crû fortement, laquantité totale d’aliments consommés chaque jour finit par se stabiliser (lesestomacs sont parvenus à saturation). Et la composition de la ration alimentairecommence à se modifier. À la croissance quantitative du xixe siècle (onmange davantage) succède l’amélioration qualitative (on mange plus varié etdavantage de produits animaux). En devenant moins pauvres, les Françaisréduisent leur consommation de pain, de bouillies de céréales, de légumessecs (et aussi de pommes de terre) — au profit des légumes et des fruits et,surtout, de denrées jugées prestigieuses, telles que la viande, les produitslaitiers, le sucre ou encore les matières grasses (beurre et huile).

Du début à la fin du XXe siècle et jusqu’à aujourd’hui, nos concitoyensmangent de moins en moins de céréales sous leur forme traditionnelle debouillies, de galettes et de pain. Ils les consomment principalement sous formede céréales de petits déjeuners, de biscuits, de gâteaux et autres produitsindustriels. En revanche, la production céréalière ne cesse d’augmenter.À partir des années 1950, toute l’agriculture du pays se modernise à marcheforcée. Les rendements explosent et les céréales — qui couvrent aujourd’huiun sixième des 550 000 km² de la France métropolitaine — partent à laconquête des marchés internationaux et trouvent de nouveaux usages. LaFrance devient le premier producteur européen de céréales et le secondexportateur mondial, derrière les États-Unis.

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