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Fourmis : une société matriarcale


La reine de Formica subaenescens de Californie s'apprête à pondre. Son abdomen est distendu par les ovaires. Les ouvrières, plus ou moins stériles, sont beaucoup plus petites. - © Alex Wild

Chez les fourmis, comme chez les abeilles ou les guêpes, les femelles sont divisées en deux castes principales dont la morphologie diffère : la femelle reproductrice, souvent unique, est habituellement une reine.

Elle est de grande taille, son abdomen est renflé car il contient des ovaires développés et son thorax volumineux a contenu les muscles du vol. Les autres femelles, nombreuses, sont nettement plus petites. Leur thorax est étroit mais surtout leur abdomen est réduit car il ne contient que des ovaires minimes et non fonctionnels. Ce sont les ouvrières, très habituellement stériles chez les espèces de nos régions. Ce partage des rôles au niveau de la reproduction est la clé de voûte du système social des fourmis. Aux unes, les reines, revient la responsabilité de la reproduction, aux autres, les ouvrières, reviennent les tâches de nourrissage des larves et de la reine, la récolte des aliments, la construction d’un nid et de sa défense. Autant de tâches qui vont donner lieu à des spécialisations parfois liées à des morphologies particulières constituant autant de sous-castes. Dans une telle fourmilière, les mâles sont absents. Ou plus exactement, ils n’apparaissent qu’épisodiquement, au moment de la reproduction. Leur rôle social étant nul, on peut qualifier la fourmilière de société matriarcale.

L'amour donne des ailes
Dans nos régions tempérées, tout commence lors d’une belle soirée d’été chaude et sans vent, par une agitation insolite aux abords de la fourmilière. Apparaissent alors autour de l’orifice des nids, des ouvrières tirant ou poussant frénétiquement des individus ailés. Ceux-ci sont les reproducteurs de la société, c’est-à-dire des femelles et des mâles, ces derniers étant d’ailleurs bien plus petits que les femelles. Ces individus ailés ne sont pas des fourmis d’une espèce particulière comme certains le croient parfois (les « fourmis volantes »), mais tout simplement les porteurs d’ovules et de spermatozoïdes. Il arrive que ces fourmis volantes soient tellement nombreuses qu’elles perturbent les soirées barbecue et les soupers en amoureux sur les terrasses et dans les jardins, suscitant interrogation ou dégoût ! Les femelles ailées ou gynes portent les espoirs de la société qui les a élevées. L’excitation des ouvrières qui les poussent hors du nid est due à l’émission de phéromones sexuelles tantôt par les gynes tantôt par les mâles. Les phéromones vont intervenir souvent dans la vie de la fourmilière. Retenons que ce sont des substances chimiques synthétisées par des glandes et stockées dans des réservoirs qui transforment les fourmis en usines chimiques ambulantes. Libérées dans l’air ou déposées sur le sol, elles modifient au sein d’une même espèce la physiologie ou le comportement de l’individu qui les perçoit.

Cette lourde gyne de Prenolepis imparis a grimpé sur un rameau pour mieux pouvoir s’élancer dans les airs et participer au vol nuptial. - © Alex Wild

Mâles et gynes grimpent alors sur la végétation proche et s’élancent dans les airs pour exécuter le vol nuptial. Des milliers de sexués s’envolent ainsi, formant de véritables nuages se déplaçant au gré des vents. L’accouplement se produit dans les airs à moins que le couple finisse ses ébats amoureux au sol ou sur une herbe. Il n’y a le plus souvent accouplement qu’avec un seul mâle et il n’y aura jamais plus d’appariement. La femelle dite monandre en a terminé de sa vie sexuelle qui ne dure donc que quelques minutes. Les gynes de quelques espèces (fourmis champignonnistes, fourmis légionnaires ou, en France, Cataglyphiscursor) s’accouplent plusieurs fois. Ces femelles sont alors qualifiées de polyandres. Il semble probable que les appariements multiples induisent une diversité génétique permettant une meilleure adaptation aux variations du milieu. Dès que le couple se dissocie, la gyne qui mérite maintenant pleinement le nom de reine, arrache au plus vite ses ailes devenues inutiles puisque la vie amoureuse est finie pour elle et qu’elle ne volera jamais plus. Les ailes sont non seulement devenues inutiles mais même embarrassantes. Leur miroitement peut attirer les prédateurs, qu’ils soient oiseaux, lézards, araignées et surtout ouvrières d’autres espèces, qui les captureront pour alimenter leur garde-manger. Les pertes des femelles pendant et après le vol nuptial sont énormes. Elles sont totales pour les mâles : qu’ils aient été comblés ou non en amour, leur destin est scellé. Incapables de se nourrir hors de la fourmilière, ils sont la proie facile et recherchée de nombreux prédateurs. Ils n’auront vécu que quelques jours. Leur rôle aura été celui d’un fabricant et d’un livreur de spermatozoïdes. Les plus chanceux, ceux qui ont trouvé une femelle, ont d’ailleurs totalement vidé leurs vésicules séminales et leurs testicules ont arrêté de fonctionner.

Après l’accouplement, la reine (ici, la champignonniste Acromyrmex versicolor) se débarrasse immédiatement de ses ailes devenues inutiles et encombrantes. Elle n’aura connu qu’une seule séquence amoureuse. - © Alex Wild

Cet extrait est issu de l'ouvrage :

Formidables fourmis !
Formidables fourmis !
La vie sociale des fourmis n’a rien à envier à celle de l’humanité : elles ont conquis le monde terrestre en déployant des comportements stupéfiants ! 
Ultra-organisées, elles gèrent des équipes spécialisées et combattent pour défendre leur nid en usant d’armes chimiques ou d’individus kamikazes. Elles s’associent même à des arbres qu’elles défendent en échange du gîte et du couvert. Trouver leur nourriture est d’ailleurs un jeu d’enfant : elles tracent des pistes avec sens interdits et indications sur le butin, cultivent les champignons et prennent le miellat des pucerons !
Elles ont le même souci que l’homme de protéger leur descendance ou leur territoire, et la même soif d’expansion et de conquête. L’hygiène est leur souci constant : elles neutralisent les épidémies en produisant antibiotiques et fongicides. Capables de coloniser les déserts les plus brûlants, l’Arctique glacial ou les zones inondables, dériver sur un radeau ou même nager ne les effraient pas ! Ce petit peuple hyperactif ignore la retraite, les individus âgés se reconvertissant dans de dangereuses tâches de sécurité.
Cette édition enrichie nous présente des solutions adaptatives toujours plus insolites, contées avec passion. Ainsi, saviez-vous qu’une application GPS, bien appréciée des automobilistes pour connaître le trafic en temps réel, est bio-inspirée du comportement de récolte des fourmis ? Ou encore que leur capacité d’identifier des cellules cancéreuses sera peut-être un jour utilisée pour détecter des tumeurs ?
Les 10 milliards de fourmis vivant sous nos pas éveillent un autre regard sur nous-mêmes... La sophistication sociale n’est pas l’apanage de l’homme !
 
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