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Se camoufler à coup d’effets d’optique


C’est la manière dont on est vu qui peut compter le plus. Les lignes bleu vif sur fond noir de ce jeune chirurgien tabac contribue ainsi à déstructurer sa silhouette. – © Iliuta (Adobe Stock)

La plupart des animaux qui cherchent à passer inaperçus jouent à la fois sur les deux tableaux de la couleur et de la forme. Ils tentent de cette façon de masquer leur présence à des prédateurs ou à des proies dont le sens principal est la vue. Dans les milieux où la tonalité est homogène, tels les déserts de sable ou de glace, les animaux arborent une couleur uniforme. Quand le milieu n’est pas uni mais composé d’éléments contrastés divers, un moyen de camouflage efficace consiste à donner à la silhouette une apparence de discontinuité à l’aide d’une combinaison de motifs eux aussi contrastés.

Les contours de l’animal se trouvent ainsi presque gommés, sa silhouette est « rompue », d’où le qualificatif de disruptifs donné à ces motifs. Cet effet disruptif est généralement obtenu par l’insertion de zones violemment colorées sur un fond uni plus neutre. Ces taches vives attirent l’attention sur elles et de ce fait empêchent de distinguer l’animal dans son ensemble. Ce type de camouflage se rencontre chez de grandes espèces de mammifères aussi bien que chez des papillons et d’autres insectes.

Les objets éclairés deviennent visibles à l’œil et reconnaissables par le cerveau lorsqu’ils se détachent sur le fond de leur environnement. Ces indices visuels, grâce auxquels il est possible de juger de la taille et de la forme, de la couleur et de la texture, du volume et de la nature, de la position d’un objet quelconque, peuvent se ranger en quatre catégories : couleur et ton, ombre et lumière, surface et contour, ombre portée.

Chez les animaux camouflés, difficiles et parfois presque impossibles à détecter dans leur milieu, ce but est atteint par certains arrangements de couleurs et de motifs. Ceux-ci permettent de neutraliser la lumière et l’ombre par des contre-ombres, de masquer la continuité de la surface et du contour par des motifs disruptifs et la discontinuité des surfaces par des motifs qui coïncident. Chez les animaux souhaitant à l’inverse être bien visibles, les couleurs utilisées sont vives et saturées, combinaisons de noir et de rouge, d’orange ou de jaune. Dans l’un et l’autre cas, les motifs utilisés sont simples et peu nombreux : larges bandes, rayures, taches ou ocelles.

Loin de la robe unie des lions dans leurs savanes, les rayures du tigre sont une adaptation aux clairs-obscurs des milieux fermés où il vit. – © andreanita (Adobe Stock)

Le tigre tapi dans la jungle asiatique se confond d’autant mieux avec son environnement que ses rayures noires tranchant sur son pelage fauve évoquent les mêmes jeux d’ombre et de lumière que les longues feuilles pendantes des buissons. Les taches noires du léopard jouent un rôle similaire dans la forêt africaine : copier la complexité des taches claires et sombres que le difficile passage des rayons du soleil au travers du feuillage dessine au sol et sur la végétation basse. Le milieu est complexe et les dessins de la robe doivent l’être également pour y faire disparaître la silhouette. Un pelage uni, fauve ou noir, dénoncerait aussitôt son porteur en tranchant sur le fond polychrome.

Les rayures des zèbres, noires sur fond blanc, semblent inutiles dans une savane verte ou brune selon la saison. En fait, elles contribuent non seulement à cacher les animaux dans la végétation, mais empêchent en plus de distinguer individuellement les membres du troupeau — en particulier les jeunes — aux heures où ils sont les plus vulnérables, c’est-à-dire à l’aube et au crépuscule.

Pondre sur le sol est une stratégie à haut risque, qu’un beau camouflage peut atténuer chez la caille des blés. – © Pluto Mc (Adobe Stock)

La caille des blés établit son nid au sol dans une zone couverte de végétation pas trop haute, souvent dans une prairie ou un champ cultivé dans nos régions. Ce nid se réduit le plus souvent à une simple dépression dans le sol, garnie de quelques tiges sèches. L’oiseau est donc très exposé aux prédateurs. Il s’en protège par une livrée de camouflage à tous les âges de la vie. Le plumage de l’adulte est brun clair, avec des taches plus sombres et des rayures claires, celui du poussin brun clair à taches plus sombres, le rendant difficile à distinguer sur la litière du sol. Quant aux œufs, clairs et ornés de grosses taches sombres arrondies, ils rappellent des cailloux dispersés au sol. Plus exposés que des oisillons qui naissent dans un nid perché dans un arbre, les poussins de caille combinent leur tenue de camouflage avec un développement très rapide. Ils sont autonomes dans les heures qui suivent leur éclosion, et en onze jours leur poids a été multiplié par quatre. Dès cet âge, leurs plumes ont suffisamment poussé pour leur permettre de voleter sur de courtes distances. Et à moins de trois semaines, capables de voler, ils peuvent échapper au danger en s’enfuyant dans les airs.

Cet extrait est issu de l'ouvrage :

Camouflage et mimétisme
Camouflage et mimétisme

Nature déguisée

Nos tactiques militaires ou de chasse sont largement inspirées de celles des animaux et des plantes quand il s’agit de passer inaperçu aux yeux d’un ennemi ou d’une proie…

Pour échapper à leurs prédateurs, les animaux quant à eux emploient des défenses actives comme le combat, le venin, un sang toxique ou de mauvais goût… Mais saviez-vous qu’elles sont surtout passives, consistant à se cacher, se fondre dans le décor ou se déguiser pour simuler une autre espèce qui, elle, est agressive, toxique ou venimeuse ? Ces tactiques sont rassemblées par les naturalistes sous le nom de camouflage et de mimétisme.

L’inventivité de la nature dans ce domaine est infinie. Certaines espèces poussent très loin ces stratégies, avec des variations dans le camouflage au fil de leur développement comme le papillon copiant l’écorce, ou des saisons comme l’hermine brune en été et blanche en hiver. D’autres s’adaptent à la couleur et au motif du support, tel le turbot qui se plaque au fond de la mer et qui prend en quelques minutes la couleur et les motifs de son environnement.

Cet ouvrage nous livre des images saisissantes, en replaçant à chaque fois l’animal — parfois le végétal — et le déguisement qu’il a adopté, dans le contexte dans lequel il vit. Il aborde notamment des points rarement traités, comme le mimétisme chimique des orchidées attirant les abeilles solitaires pour se faire polliniser ou le mimétisme acoustique des syrphes copiant le bourdonnement des bourdons.

Toutes ces tactiques sélectionnées par l’évolution nous dévoilent une fois de plus une nature facétieuse qui a de quoi nous inspirer et nous émerveiller.

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