La renommée des couleurs d’automne à Sleepy Hollow Farm (Vermont, États-Unis) est telle que l’accès y est limité face à l’afflux de photographes. - © ZHAO YOULI/Adobe Stock
Le signe le plus connu de l’automne, et peut-être le plus apprécié, c’est la coloration des feuilles. Lorsque celles-ci prennent des couleurs, leur chute n’est plus qu’une question de jours avant que les arbres se retrouvent à nu (excepté chez les arbres marcescents, qui gardent leurs feuilles sèches). On sera alors en plein hiver, avec des températures qui baissent constamment et restent basses jusqu’au printemps, période où les températures remontent et autorisent le retour du feuillage. Ce scénario simple est trompeur. Ce n’est pas le rafraîchissement des températures qui provoque lac hute des feuilles, mais le raccourcissement de la durée du jour. Il y a une façon toute simple de le constater : le refroidissement des températures est décalé par rapport à la durée du jour. Les jours les plus courts (dans l’hémisphère Nord) sont autour du solstice d’hiver (le 21 décembre) alors que les jours les plus froids, eux, se constatent bien plus tard, en janvier-février, et avec de grosses variations d’une année à l’autre. Or, les plantes sont bien centrées sur la durée du jour, et non pas sur les températures. Sinon, les années où l’automne tarde à se refroidir, les arbres eux aussi tarderaient à perdre leurs feuilles. Et changement climatique mis à part, leur cycle est très stable et constant.
À l’automne, l’efficacité des cellules végétales diminue de pair avec la durée du jour (la photopériode), jusqu’à passer sous un seuil décisif. La lumière est insuffisante pour que les cellules produisent assez de sucres au moyen de la photosynthèse, alors que les besoins restent élevés, notamment pour le stockage à l’approche de la morte-saison, au niveau de l’écorce et des bourgeons. Quand les cellules de la feuille consomment plus qu’elles ne produisent, il se produit une grande réorganisation du métabolisme et la machinerie végétale se reconfigure. La chlorophylle laisse place à des pigments plus efficaces à de faibles niveaux de lumière, comme les caroténoïdes (jaunes) et les anthocyanes (rouges ou pourpres). Les feuilles changent ainsi de couleur tandis que leurs sucres et minéraux sont transférés vers les racines et le tronc. La feuille peut survivre pendant plusieurs semaines dans cette configuration. Toutefois, pendant ce temps, le pétiole (cette petite tige qui relie la feuille à la branche) voit ses vaisseaux se colmater, isolant peu à peu la feuille. Cela accentue le stress et la feuille se colore au maximum. C’est le pic du spectacle automnal. Au même moment, juste en aval de la partie colmatée, la paroi des cellules se fragilise, au niveau du point d’abscission, jusqu’à se rompre. Les feuilles tombent. Les températures, dans tout ce processus, ne jouent pas de rôle déterminant. Tout au plus, les températures fraîches accélèrent la fragilisation du point d’abscission.
Un excellent contre-exemple de l’effet des températures sur la chute des feuilles est offert par les grands lampadaires à proximité des arbres. Les feuilles baignées dans cet éclairage ont tendance à tomber plus tard et on voit parfois un groupe de feuilles encore bien vertes à cet endroit, alors que le reste de l’arbre a perdu tout son feuillage. Cette « tromperie électrique » ne dure qu’un temps, car les feuilles restantes se trouvent confrontées au repos global de l’arbre. De plus, la baisse des températures encourage l’abscission. Ces feuilles vertes retardataires tombent souvent sans se colorer.



