Les plantes absorbent, par leurs feuilles, l’eau des brouillards côtiers, soit entreun et dix litres par mètre carré déposés par jour, et certains prédateurs trouventl’eau nécessaire en mangeant des proies qui en contiennent. Mais, comment font,par exemple, le Stenocara ou Onymacris unguicularis, des petits coléoptères decouleur noire pour s’alimenter en eau ?
Les brouillards matinaux s’insinuent jusqu’à 80 km à l’intérieur des terres et sedéposent sur les dunes de sable du désert. Chaque matin, à l’aube, avant la chaleurtorride, ces animaux, aussi appelés ténébrions du désert, se positionnent sur lacrête des dunes de sable face à la brise du brouillard et inclinent leur corps à 45°.Les élytres, qui forment leurs dos, sont entièrement parsemés de petites bossesdont l’extrémité est hydrophile. Les moindres gouttelettes d’eau du brouillard, de15 à 20 microns, se condensent et s’accumulent alors sur ces bosses. La base dela bosse et les creux du dos sont, par contre, hydrophobes, obligeant l’eau à semaintenir sur le haut de la bosse.
Lorsqu’elles entrent en contact avec la surface hydrophile, les gouttelettes d’eaus’aplatissent. Ce qui, de plus, les empêche d’être emportées par le vent et offreune surface de fixation aux autres gouttelettes. Cette accumulation continuejusqu’à ce que le poids combiné des gouttelettes arrive à surmonter l’attractionde l’eau sur les bosses ainsi que la force opposée du vent. Lorsque la vitesse de labrise est de 30 km/h, la gouttelette reste donc ainsi attachée jusqu’à ce qu’elleatteigne 5 mm de diamètre.
Elle glisse ensuite et se propage, via des sillons et une canalisation adaptée,jusqu’à la bouche du scarabée. Pour mieux faire glisser l’eau, son dos est entièrementrecouvert d’une cire comparable au Téflon™. C’est à la fois simple et génial !En quantité, ce scarabée arrive à boire 12 % de son poids grâce à cette techniquequi a été décrite pour la première fois en 2001 par Andrew Parker de l’universitéd’Oxford. Est-il possible d’adapter cette stratégie de récupération d’eau ? Dequelles façons et dans quels buts ?
De nombreux pays à travers le monde, comme le Chili, le Népal ou le Pérouutilisent, depuis les années 1960, des filets pour capter l’eau de l’air. Ils ontdéveloppé différents matériaux à base de nylon ou de polymères qui absorbentl’humidité atmosphérique quand il y a du brouillard et libèrent cette eauquand les températures remontent. Des chercheurs du Massachusetts Instituteof Technology (Shreerang Chhatre, Robert Cohen et Michael Rubner), ens’inspirantdes propriétés des élytres du Stenocara, ont réussià fabriquer un matériau, en forme de treillis, qui recueille del’eau plus efficacement que ces modèles anciens. Ce matériaucombine une surface super-hydrophobe avec des bossessuper-hydrophiles qui retiennent les gouttelettes d’eau etcontrôlent le flux d’eau. De quoi intéresser nombre desociétés humaines tant l’eau est un enjeu majeur dans lemonde : près d’un milliard de personnes n’ont pas accès à del’eau potable.
Une autre recherche est menée au Virginia Tech CorporateResearch Center en Virginie dans le but d’empêcher laformation de glace sur une surface. On sait que la glace seforme par propagation. Lorsqu’une goutte de rosée gèle àcause du froid, des ponts hydrophiles propagent le gel auxautres gouttes de rosée à proximité, formant, par une réactionen chaîne, une couche de gel ou de glace. Or, comme onl’a vu, notre scarabée contrôle parfaitement la condensationdes gouttelettes d’eau afin de former une goutte plus grosse.Ceci grâce à sa structure naturelle à la fois hydrophile ethydrophobe. Sur ce principe, il est possible de créer des« zones sèches » autour d’une goutte gelée afin d’empêcherla réaction en chaîne.
En imitant la structure de la coquille du scarabée, JonathanBoreyko, professeur au département d’Ingénierie biomédicaleet de mécanique du Virginia Tech, a mis au pointune surface sur laquelle les points hydrophiles qui condensentles gouttes de rosée sont plus espacés les uns des autres.Lorsque du gel commence à se former à partir d’une goutte,il ne peut plus se transmettre aux autres gouttes qui, du coup,s’évaporent créant une zone sèche autour de la goutte gelée.Ce matériel innovant pourrait être étendu à de grandessurfaces telles que des ailes d’avions et des pales d’éoliennes,ainsi qu’à des pare-brise de voiture, pour éviter les inconvénientsdu gel et l’utilisation de produits de dégivrage.
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