Héréditaire, la coloration du homard varie beaucoup entre individus, qui présentent plus ou moins de nuances de vert, de brun et de bleu. © davemhuntphoto (Adobe Stock 463397738)

Tout juste peut-on citer les papillons de jour des genres Nessaea et Graphium d’Amérique du Sud et d’Australie qui arborent des taches d’un bleu clair d’un bel effet. Cette coloration provient d’un pigment biliaire (la ptérobiline) qui tire vers un bleu turquoise. D’autres pigments biliaires présentent aussi des teintes souvent bleu-vert. Parmi les animaux dont la couleur bleutée est pigmentaire, citons également le homard. De manière assez inattendue, cette couleur provient de l’association d’un complexe protéique, appelé crustacyanine, avec l’asthaxanthine. Ce caroténoïde présente une couleur orangée classique pour cette famille de pigment lorsqu’il n’est pas lié au complexe protéique. Mais en s’associant à l’asthaxanthine, la crustacyanine décale son spectre d’absorption vers le rouge… jusqu’à la cuisson, qui dissocie le pigment et le complexe protéique, faisant perdre au homard sa belle teinte bleue et dévoilant la couleur naturelle de l’asthaxanthine. Et c’est à peu près tout du côté des pigments bleus chez les animaux, qui ne peuvent compter sur les pigments bleus des végétaux. En effet, la digestion des anthocyanes dégrade irrémédiablement ces flavonoïdes, contrairement à celle des caroténoïdes.

Pourtant, on trouve des animaux avec des teintes d’un bleu intense, comme certains dendrobates - des petites grenouilles amazoniennes toxiques, -  comme des oiseaux (notre familière mésange bleue) et même comme certains primates, notamment le mandrill. Comment font-ils s’ils ne disposent pas de pigments bleus ? Si, jusque-là, nous nous sommes penchés sur le côté corpusculaire de la lumière, nous allons devoir maintenant considérer son aspect ondulatoire et entrer dans les propriétés optiques de la matière à l’échelle microscopique. Il faut pour cela s’intéresser à l’effet Tyndall, en référence au savant et alpiniste irlandais John Tyndall. Ce scientifique touche-à-tout — il fut par exemple l’un des premiers à comprendre le mécanisme de l’effet de serre —observa que lorsque la lumière rencontre de minuscules particules dont la taille est proche ou un peu plus petite que la longueur d’onde du rayonnement, d’une part, elle se diffuse en tous sens et, d’autre part, l’intensité de cette diffusion varie selon la longueur d’onde. Les bleus sont par conséquent réfléchis16 fois plus que les rouges. Et ce sont ainsi les aérosols présents dans l’atmosphère qui provoquent le bleu du ciel. L’effet Tyndall est aussi appelé effet Rayleigh, en mémoire du savant anglais qui mit le phénomène en équation.

Les plumes des oiseaux et la peau des grenouilles dendrobates tirent leur coloration bleue et verte de cet effet Tyndall. Les plumes des oiseaux sont constituées d’un axe central sur lequel se fixent des barbes. Celles-ci présentent une face colorée (exposée à la lumière) tandis que l’autre est généralement nettement plus terne. De manière inattendue, un même pigment noir, la mélanine, colore les deux faces des plumes bleues. Face visible, la molécule se présente en faible concentration, sous forme de microscopiques granules dans la kératine des barbes : à leur contact, les rayonnements bleus de la lumière sont disproportionnellement plus diffusés que les autres couleurs. Face cachée, la mélanine est nettement plus concentrée et elle absorbe alors tous les rayonnements, d’où la couleur sombre. Chez les batraciens, l’effet Tyndall est provoqué par les cristaux de guanine, à l’instar des microgranules de mélanine. Chez les oiseaux comme les grenouilles, la lumière qui poursuit son chemin est entièrement absorbée parla couche inférieure de mélanine. Notre œil perçoit donc le bleu en excès. Si la plume ou la peau contient en plus une couche pigmentaire, notre œil détectera le mélange des deux couleurs, par exemple du vert si le pigment est jaune.