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Le littoral guyanais, unique au monde


Sur le littoral entre Kaw et Kourou, bancs de vase visibles sur cette image Sentinel-2 du 23 septembre 2020. Les panaches turbides associés à ces bancs de vase donnent aux eaux côtières des dégradés de couleur allant jusqu’à 20 km au large. – ©ESA/Sentinel-2

Entre l’embouchure de l’Amazone au Nord-Brésil et celle de l’Orénoque au Venezuela, 1 500 km plus loin en remontant le littoral de cette partie du nord-est de l’Amérique du Sud, s’étendent les côtes des Guyanes.

Pour décrire le littoral, on pourrait sans exagérer parler de côte de tous les records tant il est fluctuant. Côte vaseuse la plus étendue au monde, côte la plus instable, hyper-sédimentation des eaux côtières, dynamique exceptionnelle de la mangrove sont autant de traits uniques qui la caractérisent. Sur cette côte se succèdent bancs de vase et mangroves associées, plages de sable, cheniers et estuaires revêtant de nombreuses formes.

Entre 15 et 20 bancs de vase migrent en permanence le long de la côte, sous l’action principale de la houle et des courants côtiers. Leurs vitesses de déplacement sont très variables, ils peuvent atteindre des moyennes supérieures à 2 km par an. Ces bancs de vase sont construits à partir d’alluvions (limons et argiles) produits en grande partie par l’érosion de la Cordillère des Andes, de l’autre côté du continent sud-américain. Après avoir été transportées sur des milliers de kilomètres dans la plaine fluviale de l’Amazone, ils sont déversés dans l’océan Atlantique. Les volumes sédimentaires annuels rejetés par l’Amazone varient entre 750 millions et un milliard de tonnes. Si environ 80 % de cette charge sédimentaire alimentent le delta subaquatique de l’Amazone et les fonds océaniques, 15 à 20 % s’accumulent sous la forme d’un long banc de vase le long de la côte dans la région dite « des caps », au nord du Brésil (cap Cassipore, cap Orange), et dans l’est de la Guyane française (Pointe Béhague).

À partir de l’embouchure de l’Approuague en Guyane se met en place ce que les spécialistes nomment le « système banc de vase ». Irrégulièrement, tous les dix à quinze ans, un banc de vase se détache et commence sa longue migration jusqu’au delta de l’Orénoque. Avec une vitesse moyenne de 2 km par an, il lui faudra donc pas moins de 500 ans pour accomplir son long périple jusqu’au Venezuela. En chemin, il devra traverser de nombreux estuaires et il servira la plupart du temps de support à une dense forêt de mangrove.

Les processus impliqués dans la formation des bancs de vase individuels ne sont pas encore bien compris, mais le mécanisme de la migration de ces bancs est aujourd’hui bien documenté. L’arrière du banc, généralement recouvert de mangrove, n’est plus protégé par la vase fluide, les vagues viennent alors attaquer le littoral. La vase consolidée est liquéfiée sous l’action des vagues et transportée par les courants vers l’avant du banc au nord-ouest. On a donc un recyclage de la vase de l’arrière vers l’avant du banc. La taille moyenne de ces bancs de vase est de 40 km de long, 15 km de large et 3 m d’épaisseur, soit un volume moyen d’environ 2 milliards de m3. Les bancs de vase ont une partie sous-marine, la partie subtidale, qui n’est pas directement visible, et la partie intertidale, visible à marée basse. La partie subtidale est bien plus étendue que la partie intertidale.

C’est sur la partie intertidale que vont se développer les forêts de mangrove de front de mer. Lorsque la vase est suffisamment consolidée, les graines de palétuviers déposées par les marées peuvent s’installer. Ensuite, tout va très vite. À environ 5 mois, les jeunes plants sont fertiles et fournissent des graines. Avec une croissance atteignant jusqu’à 3 m par an, les vasières sont rapidement colonisées par une mangrove dense. En quelques années des arbres supérieurs à 20 m de haut forment des forêts, les pieds dans l’océan Atlantique.

Le déplacement des bancs de vase peut entraîner l’avancée dans la mer d’une portion de la côte sur des kilomètres en quelques années seulement. A contrario, le recul du littoral peut être tout aussi important quand le banc se déplace. Il n’y a pas d’autre endroit sur Terre où les fluctuations du littoral atteignent une telle amplitude, ce qui en fait un terrain propice à des études scientifiques originales.

Antoine Gardel

Cet extrait est issu de l'ouvrage :

Oyapock et Maroni
Oyapock et Maroni

Portraits d’estuaires amazoniens

La Guyane, délimitée par ses fleuves-frontières, l’Oyapock et le Maroni, est un territoire amazonien français d’Amérique du Sud, remarquable par la richesse de sa biodiversité. Le littoral guyanais, qui s’étend sur 350 km entre les estuaires de ces deux fleuves, est extrêmement instable, sans cesse modifié par des bancs de vase formés par les sédiments charriés depuis le delta de l’Amazone au Brésil qui se déplacent le long des côtes. S’y développe une mangrove, parmi les mieux préservées au monde, au cœur d’enjeux écologiques considérables du fait de son rôle de nourricerie et de nurserie pour de nombreuses espèces et de sa capacité à stocker le carbone.
Très productives en matière de pêche, les franges maritimes guyanaises subissent de fortes pressions sur les ressources halieutiques tandis que de nombreux changements socio-environnementaux s’opèrent sous l’effet d’une forte croissance démographique et de migrations humaines importantes. La Guyane doit ainsi relever aujourd’hui de nombreux défis environnementaux, humains et économiques.
Cet ouvrage, richement illustré, est à la fois une vitrine du littoral guyanais et de ces estuaires exceptionnels, et une invitation à repenser les interactions entre l’homme et son environnement.
 
Ouvrage réalisé en partenariat avec le Laboratoire écologie, évolution, interactions des systèmes amazoniens (CNRS –IFREMER-Université de Guyane) et le soutien du FEDER FSE Guyane.
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