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La pêche à la lampe


Pêche de la poutine au feu, avec le salabre et la lampe, Nice. - © Jean Monot

La pêche au feu est une pêche ancestrale méditerranéenne utilisant une source lumineuse, placée au-dessus de l’eau pour attirer le poisson bleu (les sardines et leurs alevins, les anchois et les maquereaux). On prend le poisson de nuit, au salabre, au filet, au harpon. Depuis la plus haute antiquité, l’homme a capturé des poissons nuitamment, à l’aide de lumières. Les Grecs et les Romains allumaient des torches sur les rivages ou des lanternes sur leurs barques. La pêche au flambeau a perduré jusqu’au XIXe siècle. Le foyer lumineux s’est alors mué en brasero et ensuite en lampe à carbure. De nos jours, on emploie le lamparo alimenté par un groupe électrogène.


Sorti en mer pour la pêche de la poutine à la lampe, j’ai pu assister à cet usage encore usité à Nice et dans sa région par quelques patrons-pêcheurs. Ange Ghieuet son fils Marc sont parmi les derniers à pêcher ces alevins de sardines, à l’aide du salabre et à partir du pointu, dès la nuit tombée. Marc témoigne sur cette pêche ancestrale : « Comme c’est presque la fin de la saison (fin avril), la poutine est assez grosse. Les alevins sont habillés. Ils ne sont plus translucides et laissent apparaître sur leurs corps des écailles. La poutine n’est pas vendable. Elle arrive en surface parfois assez mélangée, la petite et la grosse ensemble. À Nice, les endroits favorables pour la pêche à la lampe, ce sont les sorties d’eau douce sur la baie des Anges, comme à Magnan, au niveau de l’Hôtel Négresco ou vers le petit port de Carras. Des fois, la tache de poutine est très large et on l’amène jusqu’à terre avec la lumière, en tapant au fond du pointu avec les pieds pour effrayer le poisson et le pousser vers les petits-fonds. On l’oblige à monter en surface. Un des pêcheurs se met aux rames et l’autre dans le trou d’homme avec le salabre. On baisse la lumière pour que le poisson monte plus et on salabre. Quand elle monte bien, elle englobe tout le bateau jusqu’à 15 mètres autour. » Lorsque la tache de poisson est trop éparse, trop diffuse, on ne peut attraper la poutine. Une belle pêche peut atteindre 50 kilos en une seule sortie. Pour augmenter les prises, une deuxième sortie vers 3 ou 4 heures du matin s’impose. La poutine monte en fonction de la lune. À la pleine lune, lorsqu’elle est claire, le lamparo peut empêcher les alevins de sardines de monter. Il y a trop de lumière sous l’eau. Le poisson est désorienté. La période réglementaire pour cette pêche s’échelonne du 1er mars à fin avril. En fonction du temps, la période peut être repoussée, mais elle n’excède pas 45 jours. On pêche aussi la poutine au filet avec la lampe quand les conditions sont favorables. Un phénomène de remontée de salpes (macro plancton), que les pêcheurs appellent à Nice la carmarine, se pose au printemps. Mélangée à la poutine dans le filet, celle-ci pèse une tonne et le poisson n’est pas commercialisable. À Menton, en Italie ou au Cros-de-Cagnes, d’autres pêcheurs utilisent la lampe.

Le groupe électrogène avec moteur Bernard de 6 CV, alimentant la lampe pour la pêche de la poutine. - © Jean Monot

Ange Ghieu, 55 ans, jeune retraité encore actif, précise : « Avec mon père, dans les années 60 et 70, il m’est arrivé d’attraper à la lampe jusqu’à 300 kilos de poutine par sortie. À l’époque, elle se vendait bien. Mon grand-père pêchait déjà à la lampe. Il prenait aussi les sardines et les anchois vers le mois de mai. Aujourd’hui, la lampe de 500 watts en 24 volts est alimentée par un groupe électrogène avec un moteur Bernard à essence, de 6 CV. On a deux salabres à bord qu’on emploie alternativement en fonction du volume de poisson. On baisse la lumière d’un ou de deux crans quand le poisson devient frénétique et qu’il se regroupe sous le faisceau, pour pouvoir salabrer correctement. Il y a 35 ans, on était une trentaine de bateaux ici. Un soir, avec mon père, on cherchait la poutine. Les autres bateaux se sont vite découragés. Nous avons persévéré et vers 22 heures, nous sommes tombés sur une énorme tache de poisson de plusieurs tonnes sous la lampe. Malheureusement, le sac de toile de jute tendu dans la barque, pour récolter la poutine, n’a pas résisté au poids embarqué. Le poisson s’est répandu au fond du pointu. Il n’était pas propre à la vente. C’était la belle époque de la poutine. Les travaux de l’aéroport de Nice ont chamboulé les fonds et pendant plusieurs décennies le poisson s’est fait rare dans la baie des Anges. Ça reprend seulement depuis quelques années. Pour la pêche à la lampe, on est inscrit seulement en petite pêche côtière. Il faut une licence pour utiliser le vrai lamparo – plusieurs lampes en batterie – avec le filet tournant, spécial pour la pêche de la sardine et de l’anchois. Autrefois, mon père avait la licence ainsi que plusieurs bateaux en Côte d’Azur. Je n’ai pas voulu la reprendre car cette pêche n’est plus rentable aujourd’hui. Certains, à Martigues et à Sète, ont continué cette pratique du lamparo traditionnel. Le nombre de lampes est déterminant pour faire monter le poisson qui est plus gros que la poutine, et donc plus difficile à piéger. »

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