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Potagers : les modes passent, les principes perdurent


Le Grand Carré du Potager du roi à Versailles, tel que sont conduites actuellement ses cultures. Planéité, ouverture, proximité de l’eau… bien des critères de réussite étaient réunis. - © Paris Histoire (Flickr CC BY-SA 3.0)

Les références esthétiques et les techniques, tant horticoles qu’agronomiques, ont certes évolué avec le temps, mais quelques principes généraux d’organisation demeurent.

On les retrouve chez la majorité des auteurs, depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours. Au XVIIe siècle, La Quintinie dans Instruction pour les jardins fruitiers et potagers énumère et développe les conditions que doit remplir un bon jardin potager ou potager-fruitier. Il retient sept « considérations » qui, de son point de vue, ont chacune leur importance. La première est que la terre soit bonne et « quelle qu’en puisse être sa couleur », comme il le précise. La deuxième est liée à la situation et à l’exposition. Puis suivent la facilité « de l’eau pour les arrosements » et la planimétrie du terrain, qui doit avoir une pente faible. La cinquième considération est relative au dessin même de ce potager, afin qu’il soit agréable à la vue, avec une « entrée bien placée ». La sixième est qu’il soit clospar « des murailles » assez hautes. La dernière préconise que ce potager, dont la vue de la maison « n’est pas toujours à souhaiter », en soit néanmoins peu éloigné et surtout commode d’accès. Retour ici sur les deux premiers points.

Qualité du sol et eau à portée de pompe ou d’arrosoir, quoi demander de mieux dans ces hortillonnages d’Amiens ? - Julien Bertrand (Wikimedia Commons domaine public)

L'emplacement idéal

Pratiquement tous les auteurs s’accordent sur deux impératifs parfois difficiles à concilier. Le premier : rechercher la parcelle ayant la meilleure terre végétale. Le second : trouver, dans la composition générale du parc, la position du potager la plus commode pour la vie quotidienne. Si plusieurs choix sont possibles pour le sol, la parcelle à retenir doit répondre à deux sous-critères. Elle doit premièrement permettre d’y inscrire une forme géométrique, comme un carré ou un rectangle, et posséder une surface la plus horizontale possible ou avec une légère déclivité orientée préférentiellement vers le sud. Sur un terrain dont la pente est trop forte, il faut envisager d’aménager des terrasses afin d’avoir des surfaces planes pour y installer les planches de culture. Deuxièmement, comme l’explicite Pierre Boitard, elle doit intégrer le jardinier, acteur quotidien du jardin « chargé de fournir les légumes à la cuisine et les fruits à l’office d’une maison ». Voilà pourquoi le jardin ne doit pas être éloigné de la cuisine et des offices. Il faut que l’approvisionnement puisse se faire de manière aisée et, surtout, discrète. La proximité des écuries et de la basse-cour est également à prendre en compte afin que le transport des fumiers se fasse avec le moins de dérangement possible. Parmi les paysagistes réformateurs de l’art des jardins, Jean-Marie Morel aura un point de vue différent : si « la qualité du sol et l’exposition convenables lui assigneront sa place », en revanche, c’est le « goût et la facilité de la culture [qui] décideront de la forme de mon légumier ». La vie de ce potager dans sa relation quotidienne avec les cuisines ne semble pas être la première de ses préoccupations. L’analyse de bien des plans de jardin proposés aux XIXe et XXe siècles tend d’ailleurs à prouver ce désintérêt fonctionnel dans le choix de l’emplacement du potager.

Cet extrait est issu de l'ouvrage :

Une histoire des jardins potagers
Une histoire des jardins potagers

Sous la treille de l’entrée du jardin potager, un panier offre au regard moult fruits et légumes. Mais qui se soucie de leur origine ? Comment, après leur domestication, ont-ils été cultivés et améliorés au fil des millénaires ? Jardin vivrier, jardin nourricier, jardin légumier, jardin potager, fruitier-potager, potager-fruitier, cultures maraîchères... autant de mots qui désignent le jardin ou la parcelle consacrés à la culture de plantes alimentaires.
Depuis le Moyen Âge, le jardin potager a été tantôt glorifié et admiré, tantôt déclassé, méprisé et rejeté, pour finalement disparaître, avant de réapparaître sous des formes multiples depuis quelques décennies. L’évolution de sa perception et de sa place se retrouve depuis les jardins seigneuriaux comme Villandry, Valmer ou la Roche-Guyon... sans oublier le Potager du roi à Versailles, jusqu’aux jardins de la bourgeoisie, en passant par les jardins ouvriers ou familiaux apparus au XIXe siècle, ou les jardins partagés de la fin du XXe siècle.Le jardin potager a sa propre personnalité, sa propre fonctionnalité. C’est cette histoire complexe entre des plantes et un lieu, entre une quête de nourriture et une recherche d’esthétisme, qui nous est contée ici avec passion.
Sans toutes ces transformations formelles, ces introductions de plantes, cette diversité de formes, de volumes, de textures, de couleurs, nos jardins potagers-fruitiers-bouquetiers d’aujourd’hui n’auraient pas gagné toute leur place dans notre quotidien.

 

Consulter la préface d'Alain Baraton, jardinier en chef du domaine de Trianon, du Grand Parc de Versailles et des jardins de Marly, et Chroniqueur sur France Inter.

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