Le gluten a des propriétés technologiques recherchées, même si, d’une qualité nutritionnelle modeste, il n’est pas du tout indispensable sur ce plan-là. Chez certaines personnes, sa consommation peut néanmoins conduire à des problèmes de santé.


Le gluten se forme lors de l’hydratation de protéines du type gliadine et gluténine, que l’on trouve dans certaines céréales (blé, épeautre, kamut, froment). Le même phénomène a lieu avec les protéines hordénines, sécalines et avénines qui sont présentes respectivement dans l’orge, le seigle et l’avoine (cela dit, les avénines n’ont pas vraiment les mêmes effets et les problèmes constatés pourraient davantage venir de contaminations par du blé lors de la fabrication). Toutes ces protéines forment alors un réseau étanche, élastique, extensible dans la pâte que l’on réalise, et qui permettra la fabrication d’un pain grâce à la formation d’alvéoles retenant l’air, lors des étapes de fermentation et de cuisson. Le gluten a donc des propriétés technologiques recherchées, même si, d’une qualité nutritionnelle modeste, il n’est pas du tout indispensable sur ce plan-là.


Deux types possibles de problèmes de santé

Chez certaines personnes, sa consommation peut conduire à des problèmes de santé. On en distingue deux types.

Le premier est la maladie coeliaque, mal nommée « intolérance au gluten », car c’est en fait non pas une intolérance mais une maladie immunoallergique d’origine génétique. En présence de gluten (en raison de fractions mal digérées) interagissant avec certains récepteurs cellulaires, les cellules intestinales perdent les jonctions qui les resserrent (comme des boutons pression). Elles laissent alors passer la gliadine, qui induit, en cas de prédisposition génétique, une réaction inflammatoire entraînant une destruction des cellules de cet épithélium. Ainsi, la muqueuse intestinale est abrasée, comme décapée, à nu, et les nutriments ne peuvent plus être absorbés. Chez un enfant, cela crée une diarrhée, une malabsorption, un retard de croissance et des os mous. La suppression totale (moins de 50 mg/j) du gluten guérit tous les symptômes de la maladie et empêche ses complications (osseuses et tumeur de l’intestin). Il existe de plus en plus de formes tardives (chez l’adulte), atypiques, voire silencieuses.

Le second type de problème est l’hypersensibilité non coeliaque au gluten (ou au blé), qui peut prendre elle-même plusieurs formes. Elle peut s’apparenter à un syndrome du côlon (ou de l’intestin) irritable associant diarrhées, constipation, alternance des deux, douleurs abdominales et ballonnements. Cependant, dans la majorité des cas (plus de 90 %), ce n’est pas le gluten du blé qui est en cause, ce sont certains sucres du blé appelés fructanes, appartenant à la famille des FODMAPs (Fructo-Oligo-Di-Monosaccharides And Polyols). La cause n’est pas connue mais il existe une hypersensibilité viscérale (le ventre est très sensible même au toucher) qui pourrait être liée à des événements d’avant la naissance (comme un stress particulier). Si l’on diminue le blé, on diminue le gluten, mais aussi les fructanes, ce qui atténue les effets de la maladie. Cette hypersensibilité non coeliaque au gluten peut aussi se présenter sous une forme comportant des signes généraux comme fatigue, céphalées, douleurs musculaires, sensation de brouillard, troubles cutanés, éventuellement associés à une fibromyalgie.

Dans ces deux affections, il existe aussi une dysbiose (perturbation du microbiote) et une hyperperméabilité intestinale conduisant à laisser passer d’autres molécules qui pourraient agir sur le cerveau et induire certains symptômes.


Des préoccupations réelles mais certainement pas généralisables

La prévalence de la maladie coeliaque est plus grande qu’on ne le pensait et se situe aux alentours de 1 personne sur 100. Celle de l’hypersensibilité non coeliaque au blé n’est pas connue (peut-être 0,5 à 6 %). On ne connaît pas non plus avec certitude les raisons de l’augmentation de prévalence de ces affections : peut-être des aspects technologiques dans la fabrication du pain ou l’ajout d’auxiliaires dans les aliments industriels. Les variétés nouvelles de blé ne semblent pas en cause, contrairement à ce que l’on peut entendre dire.

Beaucoup de personnes incriminent à tort le gluten dans leurs problèmes de santé, quand d’autres, au contraire, vont de médecin en médecin alors qu’un régime, encadré par une diététicienne, pauvre en FODMAPs et éventuellement en gluten, pourrait beaucoup les soulager.

Il est important de savoir que suivre un régime sans gluten sans raison n’est pas anodin, car cela peut déséquilibrer l’alimentation. C’est en outre socialement et culinairement difficile à suivre, malgré l’offre grandissante de produits de qualité. En cas de maladie coeliaque prouvée, ces produits font l’objet d’un remboursement partiel (mais seulement dans ce cas-là). Des études ont en outre montré que les personnes suivant un régime sans gluten concentraient plus de cadmium, d’arsenic et de mercure dans leur organisme si les produits n’étaient pas de bonne qualité.

Dans tous les cas, le suivi d’un diététicien ou d’une diététicienne, après avis d’un gastro-entérologue, est indispensable.

En aucun cas, on ne peut parler, pour le gluten, de substance toxique. Il n’est que le déclencheur de pathologies chez certaines personnes. De même, une généralisation de son éviction à l’ensemble de la population n’aurait pas de sens.


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