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La biodiversité dans le Paris d'Haussmann


Gabriel Davioud, Place et fontaine de Sébastopol : vue perspective, dessin, plume et aquarelle sur papier,1876, Ville de Paris, Bibliothèque de l’Hôtel de Ville.

La forme urbaine actuelle de Paris est un héritage de la ville transformée par le préfet Haussmann pendant la seconde moitié du XIXe siècle. Cet urbanisme historique reste très présent dans la capitale grâce au classement de nombreux bâtiments, monuments ou espaces publics. De ce fait, les nécessités d’intégration de la biodiversité dans le cadre de l’adaptation de la ville aux changements climatiques sont entravées par des contraintes très fortes.

Les travaux pour assainir et embellir Paris
La première tâche d’Haussmann consiste à intégrer à Paris tout ou parties des communes périphériques de la ville. Ainsi, en 1859-1860, il étend la ville sur Belleville, Grenelle, Vaugirard et La Villette, et sur une grande partie d’Auteuil, de Passy, de Batignolles-Monceau, de Bercy, de La Chapelle, de Charonne et de Montmartre.
Il entreprend le percement de voies pour « doter les nouveaux quartiers d’espace, d’air, de lumière, de verdure et de fleurs, ce qui dispense la salubrité tout en réjouissant les yeux ». Paradoxalement, cette période de travaux favorise d’abord le paludisme dans Paris. En effet, beaucoup d’ouvriers provenant de régions infectées et donc porteurs de Plasmodium viennent travailler sur les chantiers. De plus, les nombreux terrassements dans les quartiers surpeuplés créent des ornières et des flaques dont l’eau croupissante entraîne la prolifération des moustiques.
Avec l’accord de l’empereur, Haussmann trace des axes principaux. Pour les réaliser, il empiète sur des espaces verts, le jardin du Luxembourg par exemple, et fait démolir de nombreux bâtiments. Des boulevards et avenues sont percés de la place du Trône (actuelle place de la Nation) à celle de l’Étoile, de la gare de l’Est à l’Observatoire, et les Champs-Élysées sont aménagés.
Pour les espaces verts, Haussmann s’appuie sur les compétences d’Adolphe Alphand, ingénieur des Ponts et Chaussées, qu’il nomme à la tête du nouveau service municipal des Promenades et Plantations. Ensemble, ils prévoient de nombreux parcs et jardins, notamment le parc Montsouris et celui des Buttes-Chaumont. Haussmann veut « des espaces verdoyants, dispensateurs de salubrité, défenseurs de la vie humaine que leur influence bienfaisante prolonge, offrant de surcroît des lieux de repos et de plaisance aux travailleurs et à leur famille » — les objectifs de santé et de paix sociale sont ici clairement affichés. Il demande à Alphand de faire aménager des squares dans chacun des 80 quartiers de Paris, et de créer, presque ex nihilo, les bois de Vincennes et de Boulogne. Le bois de Boulogne est ainsi le résultat de l’annexion de la plaine de Longchamp et du parc de Madrid à une propriété boisée cédée à la Ville par Napoléon III. Deux lacs sont aménagés, dont l’un déverse le trop-plein de ses eaux dans le second par une cascade. Pour leur donner une profondeur suffisante, on élève leur pourtour « au moyen des terres de déblai de leur lit, répandues en talus allongés, gazonnés et plantés. […] Le trop-plein devait alimenter des ruisseaux répandant la fraîcheur et la fertilité dans les parties les plus basses du Bois, dont l’aridité n’était pas le moindre défaut ». Environ 420 000 arbres de haute tige et arbustes en touffes, essences à feuilles caduques ou persistantes appropriées à la nature du terrain, constituent les premières plantations. Les coupes d’arbres pour produire du bois d’œuvre ou de chauffage sont abandonnées, transformant les taillis en futaies d’où seuls les arbres morts sont prélevés. Le Jardin zoologique d’acclimatation (1860) est installé pour accueillir des animaux exotiques et les acclimater à des fins agricoles, commerciales ou de loisir.

Charles Rivière, Lacs du bois de Boulogne, lithographie éditée parla Maison Martinet vers 1870-1879, Bibliothèque du Congrès (Washington, États-Unis).

Haussmann explique dans ses Mémoires qu’avec le bois de Vincennes, il s’agissait de créer, à l’est de Paris, pour « les populations laborieuses des XIe et XIIe arrondissements nouveaux et des ouvriers du Faubourg Saint-Antoine en particulier, une promenade équivalant à celle dont venaient d’être dotés, à l’Ouest, les quartiers riches, élégants de notre Capitale ». Ce bois a été établi au moins en partie sur « une surface frappée de servitudes militaires, que l’on pouvait tout au plus couvrir d’une pelouse de gazon, pour en cacher l’aridité ». Il a fallu constituer au préalable un énorme réservoir d’eau alimenté par la Marne, placé sur le point culminant du plateau de Gravelle, afin de pouvoir irriguer les espaces boisés. De même que pour le bois de Boulogne, sont installés « des massifs de bois, des pelouses, des rivières et cascades, des lacs avec ou sans îles ».
Malgré tous ses « efforts pour rendre aisément accessibles à toutes les classes de la Population de Paris ces deux splendides Promenades extérieures si hautement appréciées par elle : le Bois de Boulogne et le Bois de Vincennes », Haussmann reconnaît qu’il ne put « réussir à l’en faire profiter, sinon les Dimanches et les Jours de Fêtes, à cause de la distance […] et des frais de transports ». Il fallut donc la création dans Paris « de parcs moins considérables, de squares, d’espaces plantés répartis sur toute la surface de la Ville, où les classes ouvrières pussent employer sainement une portion des heures de repos interrompant leur travail, et toutes les familles, riches et pauvres, trouver des emplacements salubres et sûrs pour les ébats de leurs enfants ».
C’est pourquoi il fait édifier des parcs clôturés de grilles « plus ou moins basses, élégantes, sinon luxueuses ». Les parcs de Monceau, des Buttes-Chaumont et de Montsouris sont créés et aménagés de pièces d’eau, de grottes, de cascades, de pelouses vallonnées, de plantations d’arbres et d’arbustes de choix, isolés ou groupés en massifs, ainsi que de corbeilles de plantes vertes et de fleurs. Les arrosages sont assurés grâce à des réseaux de conduites et bouches d’arrosage prévues à cet effet. Haussmann fait aussi aménager les Champs-Élysées, avenue sur laquelle des arbres d’alignement existaient déjà, en promenade ouverte. Il remplace « les ormes défaillants par le marronnier, dont le beau feuillage hâtif et les belles grappes de fleurs printanières font le plus magnifique de nos arbres de luxe — un arbre royal —, se prêtant d’ailleurs à tous les usages, et de facile reprise, moyennant quelques arrosages au début ».

Gustave Caillebotte, Parc Monceau, huile sur toile,1877, collection privée.

Selon le même schéma que les grands parcs, des squares et places plantées, jardins le plus souvent clos de grilles, sont établis par dizaines sur l’ensemble du territoire parisien, parmi lesquels les squares Saint-Jacques, du Temple, des Arts-et-Métiers, des Innocents, Sainte-Clotilde, Louvois, Vintimille, Montholon, Louis-XVI, des Invalides, de la Trinité, Laborde, de l’Observatoire, Monge, des Ménages, de l’Archevêché, des Batignolles, de Belleville, de la Chapelle, de Réunion, Victor et de Grenelle.
En ce qui concerne les rues, elles ne sont pas aménagées pour intégrer de la végétation, à part les arbres qui sont plantés tout au long des avenues et boulevards. Les vieux pavés sont remplacés par des neufs et beaucoup de chaussées sont macadamisées. Avant les travaux, aucune rue n’avait de trottoirs. Haussmann en fait donc installer le long de toutes les voies.
Les revêtements utilisés et le système de nettoyage ont eu des effets très délétères sur les herbes qui auraient pu tenter de pousser entre les pavés ou dans les fissures du macadam. Le nettoyage des rues était très intense. Il visait à enlever les boues, composées de déchets industriels et artisanaux résultant des activités et de déjections animales ou humaines. Il s’opérait à l’aide de balais-brosses actionnés par des équipes d’hommes et de femmes dirigées par des cantonniers. Des machines, ancêtres de nos balayeuses actuelles, attelées ou non à un cheval, étaient chargées de nettoyer les voies les plus larges. Ces pratiques laissaient peu de place à la végétation spontanée, aux plantes sauvages.

 

Cet extrait est issu de l'ouvrage :

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