Si la capacité des insectes à ressentir la douleur et des émotions fait débat, il a été démontré à maintes reprises qu’ils disposent d’indéniables capacités d’apprentissage et de mémorisation.

Une expérience classique pour le prouver consiste à proposer des leurres (typiquement des récipients de différentes couleurs) offrant une récompense (un liquide sucré) ou non, et à observer dans quelle mesure et avec quelle vitesse les papillons adaptent leur comportement pour se diriger directement vers les leurres de la bonne couleur. Il a ainsi été possible d’entraîner des moro-sphinx, qui manifestent une préférence innée pour les fleurs bleues et jaunes dans la nature, à rechercher d’autres couleurs dans des conditions expérimentales. Le papillon est capable de mémoriser, chaque jour, une nouvelle paire de couleurs, et ce durant plusieurs jours, même si cet apprentissage ne fonctionne pas à tous les coups. Ainsi, dans un test avec des espèces tropicales, seul un individu sur quatre se dirige vers la bonne couleur de manière préférentielle. Par contre, ceux qui y parviennent réussissent même à associer en sus une information d’heure : telle couleur ne délivre du nectar que le matin, telle autre que l’après-midi. La capacité de mémorisation ne peut bien entendu excéder la durée de vie du papillon : un imago vit typiquement quelques semaines seulement. Mais qu’en est-il pour les espèces qui hivernent à l’état imaginal (d’adulte et non pas de chenille ou d’œuf) ? Pour y répondre, l’expérience a consisté à entraîner durant une semaine des moro-sphinx à sélectionner un leurre correspondant soit à des couleurs « innées », soit non innées, avant de les placer en « hibernation » à 11 °C. Les papillons qui avaient été entraînés avec une ou deux couleurs « innées » (bleu ou jaune par exemple) s’en sont souvenus à la sortie d’hibernation, tandis que les autres en ont été incapables. Cela suggère que l’hibernation n’altère probablement que partiellement la mémorisation.

Les chenilles également font preuve de capacités de mémorisation. Ainsi, les chenilles de la diacrisie de Virginie à qui l’on présente plusieurs plantes nourricières manifestent une attirance spontanée pour le pétunia. Ce menu provoque une maladie aiguë, mais les chenilles s’en remettent malgré tout et s’abstiennent par la suite de reprendre une portion de pétunia ! Si le papillon apprend déjà à l’état de chenille, est-il pour autant capable de se souvenir, une fois imago, d’événements de sa vie larvaire, surtout lorsque l’on mesure les remaniements morphologiques incroyables, y compris au niveau du système nerveux central, qui s’opèrent lors du stade nymphal ? Pour le tester, des chercheurs ont soumis des chenilles du sphinx du tabac, en milieu ou en fin de développement, à de légers chocs électriques en association avec un gaz à l’odeur caractéristique. Après la métamorphose, les imagos ont bien manifesté une aversion pour ce gaz.