Depuis que la relation entre l’alimentation et la santé a été mise en évidencesur la base de l’augmentation de la prévalence de maladies chroniques nontransmissibles liées à l’alimentation (maladies cardiovasculaires, obésité,certains cancers…), la perception du rôle habituellement dévolu à l’aliment aévolué.

Il s’agit pour lui non seulement de couvrir les besoins nutritionnelsmais aussi de limiter « le risque de maladies chroniques non transmissiblesassocié à la consommation de certains groupes d’aliments », comme leformule le Programme national nutrition santé. Y a-t-il donc des argumentsscientifiques valables qui permettent de connaître l’incidence de laconsommation du lait et des produits laitiers sur la santé, hormis les phénomènesd’allergie et d’intolérance déjà bien connus ?

Ces arguments scientifiques existent car de nombreuses recherches ontété menées pour répondre à cette question au travers d’études épidémiologiques.Qu’est-ce qu’une étude épidémiologique ? Pour l’expliquer defaçon concise, c’est une étude conduite sur une population bien identifiée,à la fois par sa taille et sur des critères donnés, dans l’objectif de déterminerles évènements qui surviennent (maladies, décès, phénomènes physiologiques…)lorsque les individus consomment un aliment en particulier(comme ici), un groupe d’aliments ou un de leurs constituants. Pour quecette association entre aliment et évènements gagne en pertinence, lesétudes épidémiologiques sont regroupées au sein de ce qu’on appelle uneméta-analyse, de façon à accroître la puissance statistique de l’association,autrement dit sa fiabilité. À la sortie, ces méta-analyses se soldent par unniveau de preuve qui permet de définir la qualité de l’étude. Il existe troisniveaux de preuve (par ordre décroissant) : convaincant, probable etsuggéré/limité. Ils dépendent du nombre, de la qualité, de la cohérencedes études disponibles ainsi que des mécanismes permettant d’expliquerles effets constatés.

Les méta-analyses constamment mises à jour montrent que la consommationde lait et de produits laitiers est plutôt associée à des bénéfices, sauf dans quelques rares cas comme le cancer de la prostate où des doutes persistent.Plus précisément, chez les adultes, la consommation de produitslaitiers est associée à une diminution du risque de syndrome métabolique(troubles de santé d’origine lipidique, glucidique ou vasculaire associés à unexcès de poids), de maladies cardiovasculaires et du diabète de type 2.Quelle est l’ampleur de la protection ? Cette réduction du risque serait del’ordre de 10 à 20 % pour les maladies cardiovasculaires pour les plus grosconsommateurs de produits laitiers. Et est-ce que, comme on l’entend dire,les produits laitiers pourraient provoquer des rhumatismes ? faire grossir ?entraîner des otites ? des troubles neuro-végétatifs ? des fracturesosseuses ? le déclin cognitif ? le cholestérol… ? Aucune preuve scientifiquen’accrédite ces hypothèses et les études révèlent même des effets plutôtprotecteurs pour la santé.

Par exemple, en réponse à l’impact sur l’obésité, on vient de démontrer en2020 que la consommation de lait entier comparée à celle de lait allégéen matière grasse est associée à une diminution de 40 % du risque de surpoidset d’obésité chez l’enfant, confortant, par cette méta-analyse sur20 897 individus, des conclusions antérieures. L’hypothèse avancée est quela consommation de lait entier active plus rapidement les signaux de lasatiété que celle de lait écrémé allégé, avec pour conséquence la réductionde la quantité d’aliments consommés. Le lait et les produits laitiers sontaussi associés à une diminution du risque des cancers, avec un effet protecteur significatif de 20 % pour le cancer colorectal, selon un niveau depreuve jugé probable montrant la bonne qualité de l’étude. Les autorités desanté au niveau international (World Cancer Research Fund Internationalet American Institute for Cancer Research) ont reconnu en 2017 que laconsommation de lait et de produits laitiers, fromages inclus, entraîne unediminution du risque de cancer du sein (niveau de preuve jugé probable).Par contre, pour le cancer de la prostate, une consommation importante deproduits laitiers, aux environs de 400 g/jour selon les auteurs, est associée àune augmentation du risque de le contracter, avec toutefois un niveau depreuve limité. Ce qui suggère que ces données sont encore à consolider.

Comment expliquer le flou et les contradictions qui amènent à rejeter oupas un aliment ? Lorsqu’il s’agit d’isoler un aliment pour étudier soninfluence sur la santé, il faudrait savoir comment il est ingéré par chaqueindividu (quantité, composition de l’aliment), avec quoi (autres alimentsco-ingérés), comment il est ensuite digéré et enfin assimilé. À cela s’ajoutenttous les facteurs externes liés aux individus dont les besoins diffèrent carces personnes ne sont pas dans le même état physiologique et n’ont pas lesmêmes habitudes alimentaires. Bref, lorsqu’il s’agit d’isoler le bénéfice d’unaliment ou de ses composants, on trouve parfois des résultats contradictoires.Cela ne veut pas dire que les études épidémiologiques ne sont pasbonnes : elles délivrent des messages de risque qui s’affinent au fur et àmesure de leur évolution et de l’intégration de nouveaux critères. Ainsi,dans ces études de grande ampleur, sur des cohortes de plusieurs millionsd’individus suivis sur une longue durée, les données sont analysées par desoutils statistiques de plus en plus performants. En tout état de cause, dansune étude récente compilant 2 154 articles, dont 8 méta-analyses qui couvraientles résultats de cohortes représentant au total 3,6 millions departicipants, il a été validé que la consommation de produits laitiers n’estpas associée à un risque de mortalité, toutes causes confondues, dans lecadre d’une alimentation équilibrée et diversifiée.

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