Frais d'envoi en France métropolitaine à 0,01 € à partir de 35€ d'achat du 10 novembre au 31 décembre 2025

La reproduction chez les araignées : rencontres à haut risque


Mâle adulte d’Araneus diadematus de 7 mm (Araneidae). - © Philippe Blanchot

Les modalités d’accouplement sont loin d’être banales chez les araignées mais tout d’abord distinguons le mâle de la femelle. Il existe souvent un dimorphisme sexuel de taille, les mâles étant généralement plus petits que les femelles, voire jusqu’à une longueur de corps de cinq à dix fois inférieure, mais ce n’est pas le critère primordial.

La distinction sexuelle se fait grâce aux pédipalpes. Chez la femelle, les extrémités de ces appendices sont fines, tout comme celles des autres paires de pattes. Chez le mâle, elles s’élargissent et se creusent pour y loger une sorte de bulbe appelé « bulbe copulateur », qui a l’aspect d’un gant de boxe au stade juvénile. C’est seulement au moment de la mue adulte de l’araignée que les bulbes apparaîtront réellement dans leur complexité plus ou moins marquée. Ces bulbes vont servir lors de l’accouplement. Les mâles des araignées possèdent une disposition presque unique dans le monde animal : un organe d’accouplement entièrement séparé de l’organe génital.

Et le premier acte du mâle, une fois adulte, sera de remplir ses bulbes qui sont vides au sortir de sa dernière mue car le stock de spermatozoïdes est situé dans ses organes génitaux abdominaux et ne passe pas par voie interne. Comment va-t-il procéder ? Il commence par émettre quelques fils de soie pour former une petite toile dite « spermatique ». De dimension variable, celle-ci sert à déposer les gouttelettes de sperme émises au niveau de la fente génitale. Certains mâles utilisent parfois juste des fils existants sur le bord des pièges de femelles. Le remplissage des bulbes se fait au contact de ces gouttes déposées sur la toile, par capillarité. Une fois remplis, ces organes, complémentaires des organes sexuels femelles, sont opérationnels.

Repérez le mâle de Nephila inaurata (6 mm,Nephilidae) sur la toile de la femelle (6 cm) ! Pour éviter d’être pris pour une proie, il s’approche précautionneusement de la femelle avant l’accouplement ou profite d’une phase de nourrissage pour se glisser près d’elle. - © Philippe Blanchot

Lors de cette période de reproduction, les mâles deviennent tous errants, partant à la recherche d’une partenaire. Le repérage se fait en général grâce à leur odorat, les femelles secrétant une odeur spécifique et très volatile que les mâles sont capables de distinguer. Cette phéromone sexuelle imprègne les fils de déplacement, ou est dispersée dans l’air près de son piège ou de son refuge. Le rapprochement des sexes s’opère ensuite de différentes manières mais il faut surtout que le mâle ne soit pas perçu comme une proie potentielle car n’oubliez pas que ces animaux sont prédateurs et que la taille des mâles est souvent inférieure à celle des femelles. Ces manœuvres prénuptiales, plus ou moins sophistiquées, ont des durées variables, de quelques minutes à plusieurs heures. Chez toutes les araignées à toile, le rapprochement s’opère en pratiquant des tiraillements et des percussions sur les fils de l’édifice en soie ou de la retraite qui lui est associée, à l’aide de leurs pattes. L’attente près de la toile se fait parfois en compagnie d’autres « concurrents» car certaines femelles pratiquent la polyandrie (accouplement avec plusieurs mâles). Chez quelques espèces de Theridiidae, le mâle, adulte avant la femelle, attend près du piège en soie que celle-ci effectue sa dernière mue, s’approchant alors pendant la phase de séchage quand son nouveau tégument est encore mou. Chez les araignées errantes qui ne fabriquent pas de piège, les mâles peuvent attirer les femelles en émettant des sons, soit produits par des tambourinages sur le sol ou le feuillage (cas des araignées-loups ou Lycosidae), soit engendrés par des organes de stridulation situés à différents niveaux du corps selon les espèces. D’autres encore, comme les Thomisidae, pratiquent des sortes de danse nuptiale, les uns en tournant autour des femelles tout en dévidant des fils de soie qui la bloqueront pendant la durée de l’accouplement (une fois le mâle parti, elle pourra se débarrasser de ses entraves sans problème), les autres en faisant de grands mouvements avec leur corps et leurs pattes, dont une paire est parfois très développée (cas des Salticidae qui ont une bonne vue et dont les mâles arborent souvent des couleurs marquées qui entreraient dans la séduction des femelles). Et quel spectacle que d’observer un mâle de Pisaura mirabilis (Clerck 1757) apporter un ballot de soie renfermant le plus souvent une proie qu’il va offrir à la femelle ; si le « cadeau » est accepté et qu’elle commence à s’en nourrir, le mâle en profite pour s’accoupler !

Toutes les manœuvres étant accomplies, le rapprochement physique peut se faire, ponctué de quelques attouchements ayant toujours pour but de diminuer l’agressivité de la partenaire.

Une des mauvaises réputations des araignées est basée sur la mort du mâle qui serait dévoré par la femelle après l’acte de copulation, ce qui est loin d’être systématique. Certains mâles cohabitent en effet avec les femelles pendant une courte période, parfois sur la même toile, dans une même loge de soie ou dans un terrier, l’agressivité naturelle étant diminuée pendant cette période de vie. D’autres pratiquent même la polygamie, s’accouplant avec plusieurs partenaires. Néanmoins, une fois fécondées, les femelles de plusieurs espèces reprennent très rapidement leur comportement de prédateur et tentent d’attraper les mâles qui peuvent parfois y laisser quelques membres, si ce n’est la vie !

Cet extrait est issu de l'ouvrage :

Fascinantes araignées
Fascinantes araignées

Que d’idées reçues sur le monde méconnu des araignées ! Ces animaux à huit pattes, fascinants dans leurs modes de vie, méritent mieux que la crainte qu’ils inspirent. Prenons le temps de les observer attentivement et de mieux les connaître…

De nombreuses araignées arborent des couleurs étonnantes. Certaines, pour se camoufler, sont capables d’en changer selon le végétal qui les accueille ; mais, pour séduire, les mâles savent se faire remarquer : ils chantent, dansent, se parfument ou offrent des gourmandises.

Quant aux araignées de petite taille, elles sont capables de parcourir des dizaines de kilomètres entraînées par leur fil au gré du vent, alors que d’autres préfèrent la course, le saut ou la nage…

En se glissant dans la peau d’une araignée, tout curieux de la nature approche ici cet univers soyeux hors du commun, peuplé d’êtres à la diversité insoupçonnée. Christine Rollard nous fait découvrir des facettes étonnantes des araignées : leur anatomie particulière, leurs capacités sensorielles hors du commun, leurs techniques de chasse et leur manière de prendre soin de leurs petits. Indispensables à l’équilibre écologique par leur rôle de prédateur, les araignées sont un maillon essentiel des chaînes alimentaires. Elles sont aussi une source d’inspiration pour les biotechnologies grâce à leur aptitude à produire cette soie si convoitée. Et pour l’homme, sont-elles si dangereuses ? Comment ces animaux sont-ils perçus à travers le monde ? Quels pouvoirs, quelles qualités leur attribue-t-on ? Que de contes et légendes les évoquent dans de nombreuses cultures !

Cette édition mise à jour s’enrichit d’un chapitre qui fait la part belle au biomimétisme, aux comportements inattendus de certaines espèces, avec des photos de toiles surprenantes et des infos clés pour tout comprendre.

Année de première publication : 2014 (Portraits d’araignées)

--:-- / --:--