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Réguler la balance énergétique : l’hypothalamus


L’hypothalamus est une structure paire qui, avec l’hypophyse (glande endocrine impaire), est le chef d’orchestre des fonctions végétatives : métabolisme, croissance, faim et soif, rythme circadien, thermorégulation, stress et reproduction (figure 1).

L’hypothalamus est idéalement situé pour recueillir les afférences issues du tronc cérébral, et donc de tout l’organisme, et pour commander les systèmes sympathiques et parasympathiques vers les viscères. Mais, grâce à l’hypophyse, il peut aussi envoyer dans le sang un certain nombre de messages hormonaux, dont ceux liés à la nutrition : l’α-MSH ou mélanotropine, qui est anorexigène, l’hormone adréno-corticotrope (ACTH, hormone du stress et du réveil) et la vasopressine (hormone antidiurétique).

À l’intérieur de l’hypothalamus, l’interaction de quatre noyaux (parmi une douzaine) régule la balance énergétique, entre une voie orexigène et une voie anorexigène1. On savait depuis longtemps (Hetherington & Ranson, 1939) que l’hypothalamus abritait un « centre de la faim » et un « centre de la satiété », dont la lésion entraîne, respectivement, un défaut d’alimentation ou une surconsommation (Le Magnen, 1983 ; Orsini, 2003 ; figure 2).

Position de l’hypothalamus (en vert) dans le cerveau humain. - © Dessin Roland Salesse
À gauche : coupe coronale des noyaux centraux du cerveau. Le trait vertical en pointillé indique la position de la coupe sagittale du dessin de droite.
À droite : coupe sagittale légèrement décalée par rapport au 3e ventricule, passant par le thalamus et l’hypothalamus, et montrant également le chiasma optique et l’hypophyse. La lame terminale ferme le3e ventricule vers l’avant. Le septum sépare les deux ventricules latéraux.

 

La voie anorexigène (à gauche, SATIÉTÉ) et la voie orexigène (à droite, FAIM),largement inspirée des résultats obtenus chez les rongeurs. - © Dessin Roland Salesse, d’après Salesse & Lavialle, 2015
Les deux hypothalamus fonctionnent à l’identique, tantôt en satiété, tantôt en faim ; cette représentation schématique ne vise qu’à montrer ces deux voies. Les signaux métaboliques (hormonaux et nerveux) entrant au niveau du noyau arqué déclenchent la sécrétion de neuromédiateurs.
À gauche : Les hormones anorexigènes (leptine, insuline) et les signaux métaboliques (augmentation des glucides, protéines, lipides) remontant de l’intestin déclenchent, dans le noyau arqué, la sécrétion de CART(a) et d’α-MSH (produite à partir de la POMC locale). Ceux-ci inactivent l’hypothalamus latéral (« centre de la faim »), mais activent au contraire le noyau paraventriculaire (« voie de la satiété ») produisant du CRH(b), qui va induire, dans l’hypophyse, la sécrétion de POMC (pro-opiomélanocortine), anorexigène.
À droite : La seule hormone orexigène (ghréline, en provenance de l’estomac vide) et la baisse de la glycémie, des protéines et des lipides, engage le noyau arqué à sécréter du NPY et de l’AgRP(c), deux neuromédiateurs orexigènes. La réaction des noyaux suivants va être à l’opposé de la voie de la satiété : le noyau paraventriculaire est inhibé, tandis que les neurones de l’hypothalamus latéral, qui projettent leurs axones vers de nombreux endroits du cerveau, produisent la MCH(d) et les orexines, qui sont deux neuromédiateurs orexigènes (d’après Lavialle & Salesse (2015).
(a) CART = Cocaïne and Amphetamine-Related Transcript ; transcrit relié à la cocaïne et à l’amphétamine.
(b) CRH = Corticotropin Releasing Hormone ; corticolibérine.
(c) AgRP = Agouti gene-Related Peptide ; peptide relié au gène agouti (chez les rongeurs, certaines obésités s’accompagnent d’une coloration agouti).
(d) MCH = Melanin-Concentrating Hormone ; hormone de mélano-concentration (il s’agit du pigment mélanine).

 

Satiété
Le CRH hypothalamique induit la pro-opiomélanocortine (POMC) hypophysaire, une protéine précurseur d’au moins trois hormones (α-MSH (anorexigène), ß-endorphine (opioïde endogène)et ACTH) qui sont libérées dans le sang, mais de façon différenciée suivant l’horloge biologique et l’alimentation. L’α-MSH et la ß-endorphine sont liées aux repas. La ß-endorphine possède plusieurs fonctions : elle est plus connue pour inhiber naturellement la douleur (c’est elle qui procure le « second souffle » euphorique aux marathoniens ; en anglais « runner high »),mais elle est aussi produite en plus grande quantité en réponse aux nourritures palatables (comme le chocolat !) Elle stimule ainsi le système de la récompense via l’aire tegmentale ventrale. Quant à l’ACTH, elle est sécrétée en cas de stress, mais elle est surtout régulée par l’horloge biologique ; c’est l’hormone du réveil. Chez l’homme (animal diurne), son pic matinal entraîne la production de cortisol par la glande corticosurrénale. Le cortisol va jouer sur le métabolisme : après le jeûne nocturne, il augmente la néoglucogenèse hépatique et la dégradation des réserves protéiques et lipidiques. Il est diurétique.

Faim
En sortie, les axones de l’hypothalamus latéral se projettent vers toutes les aires du cerveau. Aux synapses, ils libèrent la MCH qui est un peptide orexigène. Par là, la MCH semble renforcer les préférences alimentaires et l’épargne énergétique. Cette conservation des stocks de glucides et de graisses peut entraîner un surpoids. On l’appelle hormone de mélano-concentration parce qu’elle fut découverte chez le saumon, où elle stimule la pigmentation de la peau par la mélanine.
La MCH et les orexines sont libérées en phases opposées : les orexines pendant le jour, la MCH pendant la nuit (elle accroît le temps passé en sommeil paradoxal). Les orexines produisent plus généralement l’éveil, lié à la recherche de nourriture. Dans mon laboratoire (Prud’homme et al., 2009), et en collaboration avec des collègues lyonnais (Hardy et al., 2005), nous avons démontré que le système olfactif devenait plus sensible aux odorants en présence d’orexines. Chez le chien, une maladie connue, la narcolepsie (qui les fait somnoler) est due à une mutation d’un des récepteurs des orexines.

1Du grec orexis = désir, appétit. Orexigène = qui donne faim ; anorexigène = qui supprime l’appétit. 

 

Cet extrait est issu de l'ouvrage :

Le cerveau cuisinier
Le cerveau cuisinier

Petites leçons de neurogastronomie

Homo sapiens est une espèce omnivore, mais c’est aussi « un animal qui cuisine » !
Notre alimentation résulte ainsi d’un compromis entre nature et culture, et c’est le cerveau qui décide… En raison des inquiétudes liées à la malbouffe, nous nous interrogeons beaucoup sur notre alimentation. Aux questions liées à l’impact environnemental de la production de denrées, s’ajoutent conseils, injonctions ou interdits alimentaires de tous ordres. Ce qui n’était qu’un comportement de survie, une fonction physiologique, se charge de significations émotionnelles, culturelles ou identitaires. Pour comprendre « comment ça marche », la neurogastronomie nous éclaire sur tout ce qui touche à l’action de se nourrir.
Activité essentielle pour la survie, se nourrir mobilise de multiples fonctions de l’organisme. Fonctions de planification pour se procurer les denrées, fonctions motrices pour les amener à la bouche, les mastiquer et les avaler. Fonctions sensorielles pour reconnaître les aliments et évaluer la nourriture. Fonctions largement non conscientes du tube digestif : enzymatiques, motrices, sensorielles, neuroendocrines. En maître de cérémonie, le cerveau collecte les informations corporelles et environnementales, et en fait la synthèse. Il commande l’acte de manger et sa cessation, il régule les heures de repas et orchestre les relations entre les organes. C’est lui qui forme les images sensorielles des aliments, et apprend la façon de les manger. Ainsi se déterminent nos choix alimentaires, mais aussi leur valeur nutritionnelle, symbolique et culturelle, jusqu’au jugement esthétique pour la haute gastronomie.
Cet ouvrage richement illustré brosse un tableau de nos connaissances en neurophysiologie de l’alimentation et les restitue dans leur contexte social, économique et culturel. Il est destiné aux scientifiques, étudiants, enseignants, diététiciens, gastronomes… et aux curieux de l’alimentation.

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